Alaphilippe, les liens du sang

Julian et Franck sont cousins. L’un est champion cycliste, l’autre son coach

par Nicolas Tavarès

Derrière la réussite du champion berrichon Julian Alaphilippe, il y a aussi l’ombre tutélaire de Franck, le cousin, discret mais entraîneur efficace.

C’est un coureur à l’ancienne comme les amoureux de la petite reine les aiment. Combatif, hargneux, un guerrier. Sa soif de victoire l’avait porté en haut du mur de Huy, au printemps dernier, pour s’imposer dans la Flèche Wallonne. Il a ensuite allumé un véritable feu d’artifice en juillet sur les routes du Tour de France (2 étapes, maillot à pois de meilleur grimpeur). «J’ai mis les tripes sur la table» avait-il alors confié en tombant dans les bras de son cousin d’entraîneur, Franck, présent sur la ligne d’arrivée au Grand-Bornand. «Mais je ne m’attendais pas à ce que j’ai vécu pendant et après le Tour de France… Je savais que ça ne me changerait pas, mais le regard des gens, lui, il a changé et les sollicitations sont tombées de partout. Il y a eu une grosse tournée des critériums. Pour moi, ça a été un retour de flamme. Il fallait que je souffle.»

C’est à Saint-Amand-Montrond, au coeur du Boischaut Sud, que le coureur est né en 1992, et même s’il a grandi à Montluçon, le label berrichon lui colle à la peau. C’est d’ailleurs à Saint-Amand qu’il revient régulièrement (lire par ailleurs) pour retrouver Franck Alaphilippe, son cousin âgé de 53 ans, qui accompagne sa carrière sportive depuis qu’il est cadet. «Lorsqu’il est passé pro chez Etixx en 2013, j’ai voulu passer la main, ça me semblait normal. Au bout de quatre jours, Julian m’a appelé en me disant que ça ne le ferait pas, qu’il fallait que l’on continue ensemble. C’est quelqu’un qui a ses habitudes…» Voilà comment Franck Alaphilippe a gardé la main sur son cousin sans que personne au sein de la monstrueuse équipe Quick-Step n’y trouve à redire. Et surtout pas le coureur :

«Aujourd’hui, j’encaisse les grosses courses, j’ai un bon état de fraîcheur. C’est le travail qui paie mais avec Franck, nous n’avons pas encore trouvé nos limites. Ce qu’il se passe cette année montre seulement qu’il y a encore plein de pistes à  explorer, des terrains à découvrir et une grosse marge de progression. Mais surtout, j’espère qu’on travaillera encore longtemps ensemble. Parce que c’est super de vivre des moments comme ça avec un membre de sa famille. En tout cas, moi j’en ai besoin.»

Franck sort de l’ombre

Pour mieux saisir le fonctionnement du duo, il suffisait de les retrouver au départ d’une étape du dernier Tour de France, partageant un café à quelques minutes du départ. Franck officiait sur l’épreuve en qualité d’intendant hospitalités et relations publiques pour ASO, l’organisateur : «Je ne suis pas dans la course, mais uniquement aux départs et aux arrivées. Avec Julian on se parle tous les soirs. On s’envoie des textos, on s’appelle, je télécharge son compteur et ses données télémétriques du jour pour voir si tout est OK…» Tout le monde l’a vu, « Loulou », l’un des surnoms de Julian, était à un pic de forme. Au point que certains en ont fait un futur vainqueur de la Grande Boucle ! Du coup, Franck Alaphilippe, qui n’a jamais tant aimé l’ombre et la discrétion, même du temps où il fut un très bon coureur régional, a dû forcer sa nature pour répondre aux nombreuses sollicitations des médias, curieux d’anecdotes et de petits secrets sur son talentueux cousin.

«Je ne m’attendais pas à être si souvent sollicité. Et moi qui ne suis pas très fan de ça, là j’ai été gâté.» Mais cela participe à la réussite de Julian qui, tandis qu’il vérifiait sa popularité grandissante dans la tournée des critériums, s’offrait encore la Clasica San Sebastian. «Je l’ai fait sur ma condition du Tour, mais j’étais fatigué… Maintenant, je vais revenir tranquillement à la compétition sur les tours de Grande-Bretagne et de Slovaquie, nous livrait-il fin août. J’irai sans ambition si ce n’est bien finir la saison.» Et pourquoi ne pas frapper un nouveau grand coup dans les championnats du monde à Innsbrück le 30 septembre ? «Je sais que j’aurai un rôle important à y jouer. Mais la saison a été longue et éprouvante. On avisera pendant la course.» En juillet dernier, sans rentrer dans les détails, Franck avait rapidement évoqué le mondial. Preuve que le rendez-vous était déjà bien dans la tête des deux cousins berrichons.

Franck, cousin et formateur…

Franck Alaphilippe, passé sous les couleurs de l’UC Châteauroux, n’est pas seulement l’entraîneur de son cousin Julian. Tout au long de l’année, il est également (et surtout) le responsable du Pôle espoir cyclisme de Saint-Amand-Montrond au sein duquel il forme les apprentis champions. Régulièrement, Julian leur rend visite pour échanger avec eux. Franck ne cache pas que ce soutien est essentiel pour la quinzaine de jeunes coureurs qu’il a sous sa responsabilité. Depuis qu’il a pris la responsabilité du Pôle saint-amandois, Franck a vu éclore le sprinter Marc Sarreau (Groupama-FDJ) et Romain Combaud (Delko-Marseille Provence). C’est ce qu’on appelle avoir du nez…

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