Ben Toury : jazzy mais pas trop

À 36 ans, le musicien castrais secoue les salles où il se produit

par Nicolas Tavarès

Benjamin Toury a quitté La Châtre à 20 ans. À maintenant 36 ans, Ben Toury Corporation parcourt l’Europe et s’est imposé comme un maître du boogie-woogie.

Philippe Toury vous raconte les premiers pas musicaux de son fils comme si tout était naturel. « À 3 ans, il nous suivait lorsque nous partions jouer avec mon frère. Plus tard, j’ai eu un groupe de musique alternative, Benjamin a commencé à tapoter sur un synthé. À 9 ans, il commençait à montrer un talent certain. » Le phénomène Ben Toury n’est pourtant pas encore né. C’est dans la tournée des bars avec papa, à partir de 11 ans, que le jeune musicien va se forger une solide réputation. Philippe toujours : « On a commencé à jouer sous le nom du « Good Old Boogie ». On a dû faire plus de 300 concerts ensemble. C’est dans les bars, là où il y a de la vie, qu’il a vu comment se construire un répertoire, parler à un public. Il allait à l’école, le contrat c’était d’avoir le bac, après il ferait ce qu’il voudrait… Mais surtout, je lui ai dit qu’il devrait jouer sous son nom et plus sous celui de « Good Old Boogie ». Sans nom, dans ce milieu tu n’as pas d’avenir. » Le contrat est évidemment rempli et peu avant ses 20 ans, Ben Toury quitte La Châtre et monte à la capitale. L’empreinte jazz est là, ténue. Benjamin va pourtant verser vers le rythm’n’blues. Et s’ouvrir à d’autres horizons « pour intéresser un public plus large. Les jeunes décrochent avec le jazz. Les gens veulent du show. Avant j’étais timide. Je me suis mis au chant il y a une dizaine d’années et depuis, ma carrière a évolué. »

Ben Toury y est devenu son double de scène, « seulement une partie de moi. » Benjamin, c’est autre chose. Un calme, sourire barrant constamment son visage et ouvert à tous les courants musicaux. Il a eu son époque Fat Boy Slim, sa parenthèse classique, mais dès qu’il remet son habit de lumière, Ben Toury est un véritable feu follet porté par le boogie-woogie. L’énergie part de ses doigts et envahit tout son corps. Philippe Toury : « Un jour, on a joué débranché (acoustique) dans la  rue. Il a commencé à inventer des chorégraphies. Il a tout de suite compris comment happer le regard. Il a le sens du spectacle. »

Le pianiste qui joue à l’envers Ceux qui l’ont vu sur la scène de Darc en 2016 se souviennent encore de sa prestation (vidéo La Nouvelle République, ici). Plus, en tout cas que celle de la vedette dont il faisait la première partie : Axel Bauer ! Il faut dire que Ben Toury avait sorti le grand jeu : piano à l’endroit… et à l’envers – « J’avais vu ça dans le film « Amadeus ». Ce n’est pas très compliqué à jouer comme ça. Ça l’est beaucoup plus au niveau des contorsions ! » -, chant avec une voix qui n’est pas sans voguer vers la tessiture d’un Harry Connick Jr, et harmonica. Dire que le Castrais, multi instrumentiste « ne sai(s) pas lire la musique. Je suis vraiment un autodidacte. J’ai appris en écoutant les vinyles à la maison, juste à l’oreille… »

Forcément le talent de Ben Toury s’exporte, passant allègrement d’un trio avec notamment l’incontournable contrebassiste Nick Whewel qui ne le quitte plus depuis 2001, jusqu’à la formation en sextet, « ça m’éclate vraiment parce que je joue moins de piano pour une fois ! J’ai joué aux Émirats Arabes Unis, en Suisse, en Angleterre, en Russie, en Ukraine. » Ne manque qu’une tournée aux États-Unis : « J’y suis allé en touriste, mais je n’y ai jamais joué. J’adorerais le faire à New York ou à la Nouvelle- Orléans… » Parmi ses autres envies, des projets musicaux qui pourraient l’éloigner du boogie-woogie qu’il maîtrise à merveille, « quelque chose allant vers l’électro, mais là, ça ne serait pas Ben Toury… » Le Ben marqué rythm’n’blues passé un soir de mars dernier sur la petite scène du jazz club du Berry à l’Escale. Philippe était là. Quelques amis castrais aussi. On ne renie pas ses origines.

Ben la joue Corporation


Benjamin a tellement l’habitude de jouer en mode duo, trio, quartet ou sextet qu’il finissait par en avoir le tournis. Alors le musicien castrais a trouvé la solution, il a rebaptisé ses différentes formations Ben Toury Corporation. « J’en avais un peu marre de devoir passer de l’un à l’autre et de changer l’appellation du groupe. Alors j’ai fait quelque chose de très courant en électro, par exemple chez le collectif Asian Dub Fundation que j’écoute pas mal. Je me suis dis que Ben Toury Corporation résumerait mieux. » Le seul qui ne se soucie guère, finalement, du nom de scène les soirs de concert, c’est le contrebassiste mancunien Nick Whewell : quelle que soit la formule, il est toujours aux côtés de Ben…

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