Châteauroux en mode manga

Clubs en lycées, ateliers à la médiathèque… Le manga s’empare de la cité

par Nicolas Tavarès

Comme partout ailleurs, Châteauroux n’est pas insensible à l’univers manga. Carré Barré s’est glissé dans les pas de trois guides pour tenter de comprendre le phénomène.

Le manga est un monde à part. Avec ses codes, qu’ils soient vestimentaires, ludiques ou surtout littéraires. Sa seule évocation agite les ados. Si vous en avez chez vous, vous comprendrez de quoi on parle… Véritable phénomène de société venu du Japon, il a commencé à enflammer l’Hexagone à l’orée des années 90 grâce au fameux « Akira » de Katsuhiro Otomo. Depuis, le succès de se dément pas. Un peu partout, des clubs mangas se sont ouverts. Châteauroux n’y a pas échappé où l’association Kibô No Yume (rêve d’espoir) a pris son envol grâce aux lycéens de la ville.

On peut être hermétique au manga et n’y rien connaître. Vouloir poser un pied dans cet univers implique donc un rapide aller/retour sur Wikipédia. Juste pour avoir les bases. À commencer par savoir faire la différence entre « shonen » (manga pour jeunes garçons), « kodono » (jeune public), « shojo » (demoiselles), « seinen » (hommes adultes), « josei » (femmes adultes) et « seijin » (adultes avertis), autant de termes que les habitués vous ressortent au gré de la conversation et qui caractérisent la démographie des lecteurs. Il convient ensuite de trouver quelques indispensables guides. Les nôtres ont pour nom Nicolas Pied, professeur documentaliste à Jean-Giraudoux où il a lancé un atelier manga depuis 2016. Il y a aussi Ahmed Abouraïm, médiateur culturel de Châteauroux Métropole, qui anime un atelier manga à la médiathèque et ne sait plus comment faire face à l’affluence. La troisième et dernière de nos guides, c’est Clémentine Nonclercq, vice-présidente de Kibo No Yume, en service civique à la médiathèque, missionnée sur les projets jeux vidéos. Les trois ont un point commun : leurs yeux brillent et le débit s’emballe d’un coup à la seule évocation du mot manga. Toutefois, Clémentine sait poser les premiers jalons de l’histoire d’amour entre la préfecture et ce style : « C’est parti des lycées parce que le manga est avant tout un média jeune. Les Charmilles étaient très actifs dans le domaine. Mais l’intérêt pour la  culture japonaise s’est vu aussi à Jean- Giraudoux ou à Blaise-Pascal. En fait, les clubs mangas ne sont pas que des clubs de lecture; on y propose du créatif, des discussions autour des univers, certains iront vers le cosplay où l’on se déguise en personnage de manga.»

Un mangaka apparaît, la foule suit

« La première fois que nous avons lancé l’atelier manga à la médiathèque, en décembre dernier, des lycéens de Jean-Gi, Blaise-Pascal, PMC, des Charmilles ou des collégiens de Buzançais et de D’Alembert à Issoudun, étaient présents, se souvient Ahmed Abouraïm. Nous souhaitions créer une émulation en les réunissant dans un espace culturel et nous avons choisi de présenter 5 films jusqu’en mai. Il y a eu de plus en plus de monde à chaque fois. » Lors de la dernière Envolée des Livres, Ahmed avait appelé à la rescousse Yoshimi Katahira, une mangaka installée à Paris pour animer un atelier de conception de personnages et de réalisation de planches de bande dessinée. Succès garanti et sourires banane sur les visages des membres du « club des clubs » mangas qui avaient eu droit à leur stand dans le salon littéraire. Sortez un mangaka de votre manche, le public répond aussitôt présent. Et pas forcément les plus jeunes.

Prenez Nicolas Pied, la sagesse du professeur pourrait le mettre à l’abri de l’hystérie. Que nenni. « Quand « Akira » a débarqué en France, je me disais, le manga, quelle horreur ! Aujourd’hui je suis fan. À la base je suis bédéphile généraliste et c’est vrai que la BD Franco-Belge se considère comme le centre du monde. Pourtant la France est le 2e marché mondial du manga. Je n’ai toutefois pas l’esprit manga. C’est une question d’âge. Le club de Jean-Gi, c’était une forme détournée d’amener les jeunes à la lecture. » Nicolas en est arrivé à les accompagner dans la création de planches et envisage désormais la phase de publication, le tout alors qu’il ne dispose que d’une demi-heure… par semaine pour titiller la fibre créatrice de ses élèves. De son côté, pour rester sur le sommet de la vague, Ahmed fait en sorte d’étendre la toile dans le réseau des bibliothèques de Châteauroux. « À la base, c’était un projet générationnel. L’attrait pour la culture japonaise permet d’apprécier le même média par le biais du dessin animé, du jeu vidéo ou de la bande dessinée. Clairement, ce qui peut attirer des vieux comme moi ou des jeunes autour du manga fait tout simplement écho à la pop culture… » Il suffisait de commencer par là !

Christophe Cointault : « Merci le Club Dorothée »

Christophe Cointault, 31 ans, est l’un des mangakas actuellement en pleine lumière avec sa série « Tinta Run« . Il était invité à l’Envolée des Livres et au festival Vitibulles où son succès ne s’est jamais démenti en termes de dédicaces. Pour lui, la mode du manga est « une logique générationnelle qui va continuer à grandir. » La lame de fond a puisé sa force dans les années 90 « grâce au Club Dorothée où l’on découvrait les dessins animés japonais. Les jeux vidéo se sont greffés au phénomène. C’est un peu l’équivalent de la culture américaine pour les jeunes des années 60-70… Et puis n’oublions pas que la France est quand même devenu le 2e marché mondial du manga ! »

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