La Grange musicale de Cyril Huvé

Le pianiste ouvre une nouvelle saison artistique à Chassignolles

par Nicolas Tavarès

Indrien depuis 2002, Cyril Huvé ouvre les portes de sa grange aux pianos aux mélomanes et aux jeunes artistes. Cette saison, Beethoven s’invitera lui aussi en résidence à Chassignolles.

Cyril Huvé se serait bien laissé adopter par la Franche-Comté. Durablement. Près des Salines royales d’Arc-et-Senans, si possible, où il contribua au lancement des Rencontres musicales au début des années 80. Il aurait pu, également, renouer avec ses racines maternelles ancrées en Bourgogne. Mais au bout du compte, c’est à Chassignolles, au coeur de la Vallée Noire, que le pianiste, parisien de naissance, a définitivement trouvé son havre de paix et l’écrin rêvé pour sa collection de pianos historiques… C’était en 2002, déjà. Depuis, Cyril Huvé a fait de l’endroit la concrétisation d’un vieux rêve : celui d’un artiste soliste cherchant à développer un projet culturel en région. Et pour le pianiste, ce sera donc dans une salle de concert improbable, une vieille grange rénovée, où la saison va s’ouvrir à la fin du mois.

Rien n’était prémédité pourtant. Études à Janson de Sailly, licence de philosophie à Nanterre puis viendront différentes missions sur les antennes de France Musique, «une émission sur les archives, « Les Vieilles Cires » du nom de ces vieux 78 tours sur lesquels était gravée la musique.» Attiré par la vie provinciale, le pianiste s’installera donc un temps dans le Jura avant d’aller enseigner au conservatoire de Dijon.

«Puis je suis revenu à Paris au début des années 90 pour être professeur assistant au Conservatoire national supérieur de La Villette. Je vivais à Montmartre, près du Lapin Agile cher à Maurice Rollinat.» Déjà un clin d’oeil à l’Indre. À la même époque, Cyril Huvé séjourne en Angleterre «où j’accompagnais le mouvement pour la redécouverte des instruments anciens. J’emmenais des pianos dans des vans à chevaux !» On le retrouve également en studio pour graver un CD de Chopin. À ce jour, il en a enregistré une quinzaine. Mais le voilà qui découvre La Châtre au hasard d’un projet mené au  château d’Ars. Les circonstances feront le reste : «J’avais des pianos anciens de valeur et je ne savais pas où les mettre…» Ce sera à Chassignolles où il prendra résidence tout en transformant la Grange aux Pianos pour en faire ce qu’elle est aujourd’hui : un musée vivant.

Un centre de ressources

«Petit, j’allais à Pleyel ou au Théâtre des Champs-Élysées. J’y ai écouté des dinosaures, des gens qui sont aujourd’hui disparus. Tous les programmes et les partitions de cette époque ont constitué des archives que j’ai stockées à la Grange. Des traités sur la façon de jouer, des modes d’emploi. Chassignolles est maintenant un centre de ressources, mais musée vivant, oui, c’est plus beau ! Je veux recevoir des étudiants pour consulter et étudier ces pièces lors de résidences, faire de la Grange un lieu de culture. C’est de la transmission.» Longtemps le site fut associé au seul festival de Pentecôte.

Le rendez-vous reste d’actualité, mais il n’est plus le point d’orgue de la saison. Non par désintérêt du public, mais bien «parce que nous le mettions trop en avant alors qu’il se passait des choses en amont. Aujourd’hui, il convient de parler de la saison artistique de la Grange aux Pianos.» Ainsi, le 24 mai, c’est le vénérable pianiste autrichien Paul Badura-Skoda (ci-contre), 91 ans, qui viendra jouer les premiers accords d’une saison placée sous le signe de Beethoven. «2020 marquera le 250anniversaire de sa naissance. Nous allons commencer à le saluer dès cette année, comme un fil rouge. J’ai du reste cherché à recentrer la saison sur des oeuvres de grands compositeurs germaniques.»

Cyril Huvé y voit aussi une opportunité de poursuivre l’action culturelle en province. «Il ne faut pas avoir peur de présenter des choses de qualité en dehors de Paris. La meilleure qualité internationale peut être proposée en province et nous devons élargir le public. Le rapport aux passionnés est essentiel, mais avoir des profanes face à soi est bien aussi.» Et c’est ainsi que Costantino Mastroprimiano présentera un récital Clementi. D’autres sont annoncés en Vallée Noire où les attaches de Cyril Huvé sont désormais bien solides.

La Grange aux Pianos
Site de la Grange aux Pianos
Site de Cyril Huvé
La Grange aux Pianos sur Youtube

Reinhard habille la Grange

C’est un rendez-vous qui fera date dans la saison artistique. Les 31 mai et 2 juin prochains, la Grange aux Pianos vivra son premier défilé « haute couture en mode classique » tel que Cyril Huvé et Reinhard Luthier l’ont baptisé. Le pianiste et le couturier installé à la Berthenoux travaillent d’arrache-pied depuis plusieurs mois afin d’offrir un grand moment. Une dizaine de modèles féminins, deux masculins, volontaires issus de la vie ordinaire, vont porter des robes de haute couture préparées par Luthier. Cyril Huvé, lui, sera au piano «pour donner le tempo à leur marche. Il y aura plus de 50 robes…»

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