L’ACBB fait des trous, des p’tits trous

La première édition de la Trouée d’Issoudun organisée par l’AC Bas-Berry cycliste n’a pas attiré la foule. Mais le spectacle était bien au rendez-vous dans les chemins de pierres.

par Nicolas Tavarès

La Bretagne a ses ribinou. Le Nord a ses pavés et sa tranchée d’Arenberg. Depuis samedi 23 juin, Issoudun et la Champagne Berrichonne, eux, ont de plus modestes ambitions et les chemins vicinaux qui vont avec. En pierres concassées ou en herbe déjà brûlée par le soleil… C’est certes moins glamour qu’un granit avide de boyau, mais pour le cyclisme d’en bas, celui des courses minimes, cadets et Pass’Cyclisme, c’est presque un Tourmalet à escalader.

On attendra un peu avant de parler de Monument du cyclisme car la Trouée d’Issoudun ne vivait que sa première édition. Elle fut ensoleillée, poussiéreuse et venteuse. Surtout venteuse. La tranchée de Vaux et son kilomètre 200 aussi rectiligne qu’une autoroute est-allemande à l’époque des championnats du monde du 100km par équipes avait toutefois un petit plus qui n’a pas épargné les organismes : samedi, l’heure était à la moisson et les engins agricoles accompagnant la course tout au long de la tranchée valaient bien l’hélico qui survole le peloton du Tour de France. Dans la trouée de Vaux, heureusement, il n’y avait aucune moto pour venir bourdonner autour des coureurs. Juste des taons gros comme mon poing qui faisaient la chose largement mieux…

Bref, pour les minots qui ont donné les premiers tours de roue, les deux particularités géographiques prêtant leur nom à l’épreuve l’ont vite transformée en cauchemar. C’est ainsi qu’un peloton clairsemé a battu la campagne pendant une grosse heure durant, dispersant les coureurs sur les dix kilomètres du circuit. Et sur la ligne d’arrivée, on se souviendra que le jeune poitevin Rafael Delhomme (minime) et le Montlouisien Benjamin Audouys (cadet) auront été les premiers à coucher leur nom au palmarès de la Trouée d’Issoudun.

Dans 15 ans, quand l’un de ces apprentis champions viendra faire la nique à un coureur survitaminé de l’équipe Sky sur les routes du Tour de France, l’incontournable et indéboulonnable Roger Hervouet, président de l’AC Bas-Berry, viendra toquer à la porte des médias et leur lancera : « Le 23 juin 2018, quand ils ont écrasé les blés et les pédales dans la Trouée, j’y étais ! »

Les coureurs les plus aguerris auront pour leur part attendu que la jeune garde s’amuse et se joue des crevaisons avant de prendre leur envol. Pour eux aussi, il s’est agit de s’accrocher, de résister aux bourrasques et de se dire qu’en vertu de leur grand âge – oui, dans le langage cycliste, la catégorie Pass’Cyclisme est souvent synonyme de vétéran – l’organisation leur avait non seulement retiré un tour (six contre sept pour les cadets !), mais avait fait le choix de regrouper les D1-D2 avec les D3-D4 (pour y comprendre quelque chose, se munir d’un règlement de la Fédération Française de Cyclisme) afin que le peloton soit moins famélique. Et résonne encore à nos oreilles cette sentence d’un vieil aficionado patientant avant le départ : « Il n’y a plus de course de 1re catégorie dans l’Indre, quasiment plus de 2 et à peine plus de 3. Bientôt les coureurs arriveront avec un déambulateur ! »

La chose aurait eu de l’allure dans les tranchées d’Issoudun. Mais les seniors s’y sont quand même filés pendant 60 bornes et comme pour les gamins, tout le monde s’éparpilla dans la campagne. Il fallut un vainqueur, il eut pour nom Alain Millet et porte les couleurs de l’ACBB, le club organisateur. A 50 ans tout juste, il se débarrassa de son dernier compagnon d’échappée juste après avoir digéré une dernière fois la Trouée de Vaux. Ensuite, il fonça à bride abattue vers l’arrivée. « J’aime bien ces bouts de chemins » avoua-t-il modestement, un sourire lui barrant le visage.

Il lui restait une dernière formalité à assumer : aller recevoir la coupe du vainqueur et la bouteille de Mennetou-Salon qui l’accompagnait. La Miss lentille du coin, chargée de lui faire la bise, lui trouva la joue quelque peu poussiéreuse. Il faut dire qu’elle s’appelait Roger Hervouet. Le cyclisme d’en bas n’est décidément plus ce qu’il était.

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