Moi, le pâté de Pâques

Je suis Berrichon. Je suis LE plat emblématique de ce mois d’avril

par Nicolas Tavarès

Carré Barré voulait me présenter. C’était à la condition que des spécialistes lèvent quelque peu le voile sur ma fabrication. Portrait narcissique.

Mon nom est Pâques. Pâté de Pâques. Mais tout au long de l’année, mes amis me surnomment Berrichon. La différence ? Juste une histoire de calendrier. On me dit Chrétien, donc de mars à avril, je m’adapte. De mes origines, je ne sais pas grand-chose. La légende prétend que je serais né d’une pâte brisée et d’une farce de viande de porc. Mais le doute persiste sur l’un de mes géniteurs. D’aucuns disent que je suis enfant de pâte feuilletée. Ne cherchez pas dans les livres d’Histoire culinaire. À part le fait d’avoir grandi entre Champagne Berrichonne et Boischaut, je suis pâté de nulle part et d’ailleurs en même temps. On me trouve dans l’ouest de la France, dans le Berry évidemment, mais aussi en Poitou ou Touraine. Bref, petit j’ai été pâté en croûte et mon nom pascal est venu avec la fin du jeûne quand on a glissé des oeufs (entiers ou coupés) au milieu de la farce qui me garnit. Pour en revenir à mon nom, la tradition veut qu’en Touraine, on m’appelle « de Pâques » 30 jours avant et 30 jours après la date fatidique. «Avant et après, ça redevient le pâté berrichon» confirme Christophe Marchais, le chef de Jeux2Goûts à Châteauroux.

Dorothée Renaudat

Dorothée Renaudat, des Gîtes du Berry, est un peu plus tranchante. Pour elle, «c’est juste commercial. Je me suis un peu intéressé à son histoire, j’ai cherché, posé des questions à l’Institut Rabelais à Tours ; il y a plusieurs avis…» Elle me dit ça en souriant. Je la crois, mais d’autres ne rigolent pas avec mon histoire et la manière avec laquelle on se frotte à ma fabrication. Parce qu’il existe des intégristes du pâté berrichon qui parleront d’hérésie si la croûte est en pâte brisée. Que diraient-ils s’ils savaient qu’à une époque, on y intégrait du saindoux plutôt que du beurre… Pour Odette, 82 ans et plus de soixante ans de pratique, c’est tout simplement impensable. Il faut la voir choyer la motte avec laquelle elle me travaille. «Tout est dans le beurre, insiste-t-elle. Il faut qu’il sorte juste du frigo et qu’il soit plus ou moins mou.» À quel point ? Vous me demandez ça, vous… Odette, elle, sait. Car son autre secret de fabrique réside dans la façon d’étirer ma pâte. «Dans le sens de la longueur, en la pliant en trois.» Elle me parle de côté gauche, de milieu, de bas, du coup de main toujours vers la droite. Soyons honnêtes, je ne saisis pas tout, mais ça doit participer à ma saveur.

Le Pâté de Pâques revisité par Christophe Marchais

Plus tard on va me farcir. Pour cette étape, j’en ai vu des vertes et des pas mûres. On m’a d’abord expliqué que je devais être à base de viande de porc (jambon, gorge) mêlée en quantité égale avec du veau (noix). «Longtemps, dans l’Indre, on cherchait de la viande de chevreau. On voit aussi certains mettre de la chair à saucisse, mais là…» Dorothée reste polie, car on est bien au-delà de la faute de goût. D’autres, comme Christophe Marchais vont prendre des libertés : «Tous les ans je revisite le pâté berrichon, aime-t-il à raconter. Le vrai, je n’en mets pas à ma carte. L’an dernier c’était un tartare de veau en tartelette sablée, le blanc de l’oeuf en mimosa, le jaune confit crémeux, la poitrine grillée en vinaigrette autour, sorbet persil une chair à base de veau.» C’était osé, mais les gens m’ont aimé ainsi. «En tout cas, les oeufs durs c’est une mauvaise idée. Pochés ou mollets, ce serait mieux.» Christophe n’est pas loin de partager la même vision de ma conception que Dorothée : «Dans mon souvenir d’enfance, le pâté berrichon c’était idéal pour un pique nique facile. En pâte brisée, avec un oeuf entier. Un véritable étouffe- Chrétien!» Pour un mets qui tombe en pleine fête religieuse, c’est croustillant. «Mais une pâte brisée, c’est lourd à mâcher. Aujourd’hui, je le fais en pâte feuilletée, et un peu d’alcool. Du cognac… Il faut que mon pâté ait aussi ses petites collines dues aux oeufs. Pour la farce, la dame qui me découpe la viande ne doit pas la faire trop fine. Après, il existe plusieurs écoles pour les viandes.»

Puis arrive enfin mon moment préféré, quand on va me badigeonner le corps avec un pinceau et du jaune d’oeuf. J’adore… Mais c’est le bout du tunnel avant la cuisson. Quoi qu’il en soit, en avril, je suis le roi de la fête. Une fois, grâce à Dorothée, j’ai même eu droit au « 13 heures » de Jean- Pierre Pernaut. Ça ne lui avait pas valu que des amis, mais moi, j’avais bien aimé passer à la télé. Et puis c’est sa recette du pâté berrichon que Berry Province a choisi de mettre en avant. Parce que je suis un gage de qualité pour ma région !

Le concours de toutes les peurs


On ne rigole pas avec la recette du pâté berrichon (ou de Pâques). Encore moins avec le concours de la foire de Levroux. Le 22 avril prochain, amateurs et professionnels sont invités à en découdre pour le Graal : les titres de meilleurs pâté berrichon et galette de pommes de terre. Attention, le rendez-vous est couru et les tenants de la pâte brisée ne font aucun cadeau à ceux de la pâte feuilletée. Le règlement prévoit en tout cas que l’oeuvre devra être déposée entre 8h30 et 9h30. À 10 heures, le jury statuera et tout ceci s’achèvera par la dégustation du plus long pâté de Pâques (ci-dessous)… Inscription gratuite au 02 54 35 70 54.

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