Sage-femme du bout du monde

Faute de poste en métropole, Pauline Ballereau s’est « exilée » à Mayotte

À 25 ans, on est épris de voyages, de dépaysement, de soleil, de découvertes. Vient aussi le moment de se confronter à la dure réalité des choses : la vie d’adulte. 

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Son premier job, Pauline Ballereau ne l’envisageait pas vraiment comme cela. Elle était prête à se battre pour arracher un poste dans le milieu médical et commencer à profiter de la vie. Mais les circonstances l’ont poussé à des milliers de kilomètres de Châteauroux. Direction Mayotte, caillou 18 fois plus petit que l’Indre.

« Avant mes examens de sage-femme à Limoges, j’ai envoyé des CV partout en métropole sans jamais recevoir de réponses. Et puis sur Facebook, j’ai vu une annonce pour un poste à Mayotte. J’avais envie de tenter ma chance à l’étranger, mais il y avait le problème d’équivalence de diplôme. Mayotte, c’est un département français, ça ne posait pas de problème… » Un nouveau curriculum vitae s’envole donc pour l’océan indien. « C’était le 12 mai 2014. J’ai harcelé l’hôpital de Mamoudzou où je pensais être prise, mais je n’obtenais toujours pas de réponse. J’ai été diplômée le 27 juin et j’ai reçu un appel qui me disait que je commençais le 2 juillet ! » L’hôpital de la « capitale » mahoraise semblait lui tendre les bras. Pauline s’est retrouvée au dispensaire de Kahani, au centre de l’île.

« Passage du diplôme, préparation des papiers, découverte du monde des adultes. Tout ça s’est fait à toute vitesse. J’étais morte de trouille, mais excitée. Je me retrouvais tout près de l’Afrique, un continent qui m’a fait rêver depuis toute petite. J’avais toujours en tête la perspective de faire une mission humanitaire là-bas. »

Mayotte côté pile et côté face

P33Comme Pauline le décrit si bien, Mayotte reste une île de contrastes. A Trevani où elle demeure avec Pierre son compagnon, il y a le côté pile : lagon, cocotiers, plages. Mais il y a aussi cette face cachée d’une île en déshérence en dépit de son statut de 101e département français : la misère. « D’un côté, c’est ce lagon hors du commun avec des dauphins, des baleines, des tortues. Et d’un coup, tu te retournes et tu as vue sur les bangas, les bidonvilles locaux. »

Un visage que la Métropole n’envisage même pas. Au point que les manifestations qui ont amené Mayotte au bord de la guerre civile, en avril dernier, sont quasiment passées sous silence. Pauline doit donc s’adapter : « Travailler en dispensaire, on n’y est pas préparé. L’équipe est réduite – une collègue en suite de couches, une auxiliaire de puériculture et une sage-femme en salle de naissance… Mayotte, c’est 8800 naissances par an, une trentaine par jour et surtout beaucoup de clandestins. Les Grandes Comores ne sont pas loin. Tous les jours, les kwassas (les bateaux de migrants) arrivent sur les côtes. Les femmes viennent accoucher ici pour « offrir » la nationalité française à leur enfant. Elles sont prêtes à prendre tous les risques pour ça. C’est l’une des problématiques de l’île avec la surpopulation. On trouve énormément d’enfants seuls dans les rues ; leurs parents sont renvoyés aux Commores… » La carte postale s’écorne, alors Pauline part de temps à temps à Madagascar pour se ressourcer. Par deux fois, elle est également revenue en métropole : « À Mayotte, il manque plein de choses, il y a des lenteurs. Mais voir des proches, trouver des feux tricolores, des ronds-points, tout ça fait qu’on se sent très vite perdu et la simplicité de l’île nous manque rapidement. »

Sous contrat avec le dispensaire de Kahani jusqu’en décembre 2017, Pauline imagine parfois la suite de sa carrière. Sans doute loin de Mayotte. « On se posera peut-être trois ou quatre mois dans l’Indre, mais avec Pierre, on aimerait beaucoup aller au Canada. » Pauline et Pierre, des talents d’ici… et d’ailleurs.

Événementiel pour Monsieur

P32Petit ami de Pauline, Pierre n’a pas tardé à la rejoindre à Mayotte. Bardé d’un Master en management de l’innovation, le jeune castelroussin a déposé deux CV avant d’être engagé dans une agence de communication locale, Luvi Ogilvy, n°1 dans l’événementiel. Chef de projet digital et community manager, Pierre a notamment géré une tournée des village mahorais avec un cinéma mobile en plein-air. D’autres projets ont suivi. « En rejoignant Pauline, j’ai réalisé mon premier voyage, riche, dépaysant, formateur avec des rencontres magnifiques. Et puis vivre au soleil, en tongs, tee-shirt avec vue sur le lagon et les plages, oui on s’adapte vite ! » Ces dernières semaines, Pierre a dû composer avec la récente crise sociale sur l’île, au point d’envisager un retour anticipé : « Avec un retour en métropole pour voir la famille ok ! Mais l’expérience mahoraise m’a donné goût au voyage alors pour le boulot, l’herbe sera plus belle chez nos voisins. »

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