La valse sucrée à trois temps

Histoire savoureuse des créations saisonnières des pâtissiers indriens

par Nicolas Tavarès

Pâques, la fête des mères et Noël. Trois dates incontournables qui jalonnent le calendrier des pâtissiers dans l’Indre. Quand création et inventivité se mêlent aux produits du terroir…

Elle s’appelait Miss, c’était une bûche de Noël. C’est en novembre dernier que plus de 2000 parts de cette création spéciale, mélange de crémeux passion, de mousse caramel, de croustillant caramel sur un pain de Gênes chocolat, ont été offertes par les pâtissiers de l’Indre aux visiteurs du Salon de la Gastronomie de Châteauroux. Une manière de saluer tout à la fois les 20 ans du salon, l’arrivée imminente des candidates à l’élection de Miss France, mais aussi et surtout de braquer les projecteurs sur leur démarche inédite en France : la création pâtissière saisonnière. L’initiateur de la chose a pour nom Thierry Desnoël : « On a d’abord créé le Caprice Berrichon, un gâteau de voyage », commente celui qui tient toujours boutique à Châteauroux. « Mais en 1995, on s’est dit : « Pourquoi ne pas créer une spécialité du Berry ? » Puis la deuxième idée a été de lancer trois gâteaux par an. Le choix s’est porté sur Noël (une bûche), Pâques (création à base chocolatée) et la tarte de la fête des mères. » L’idée fait florès au point que le syndicat national des pâtissiers la déclinera une dizaine d’années plus tard, « mais seulement pour un gâteau par an » insiste avec malice un Thierry Desnoël fier de son coup.

« Avec cette idée, il faut l’admettre, nous avons été victimes de notre succès, consent-il cependant. Le problème, c’est qu’il faut se renouveler trois fois par an. Et ça, tous les ans ! » Car pour tous ces artisans qui font du sucre, du chocolat ou de la crème pâtissière leur quotidien, pareille initiative n’aurait de sens que si elle répond à quelques critères précis. Dans les premiers temps, les pâtissiers de l’Indre s’accordent sur une figure imposée : la création doit être composée d’un produit du terroir. Mais s’il est originaire d’un pays étranger ou d’une autre région de France, il se doit de sortir de l’ordinaire. D’aucuns gardent encore en bouche la saveur d’une création à l’hibiscus. Le praliné de Mézières, des déclinaisons poire, pomme, fraise, miel, utilisant de la farine de lentilles ou passant les vins de Reuilly ou Valençay à toutes les sauces font encore saliver les connaisseurs. De Valençay à La Châtre, d’Argenton à Buzançais, d’Issoudun à Châteauroux, du Blanc à Vatan…

Réunis à la chambre des métiers

Les pâtissiers n’hésitent donc pas à tendre la poche à douille aux producteurs locaux « qui sont prêts à nous suivre puisqu’on parle de leur produit » pour mettre en lumière les savoir-faire berrichons. Telle est la vocation de ces créations saisonnières. C’est désormais à Franck Grabowski (ci-dessous), qui a succédé à Thierry Desnoël à la tête des pâtissiers de l’Indre, de diriger l’orchestre. Il le réunit en amont, généralement deux mois avant la date fatidique. « On se retrouve traditionnellement à la chambre des métiers. On compare d’abord nos idées, on goûte les produits, puis on valide. Tous feront la même recette, seule la finition sera différente, dévoile le pâtissier castelroussin. Chacun a son tour de main, son propre four. C’est donc difficile de se conformer à la même recette. Mais c’est justement ce qui fait notre force : toutes ces nuances qui font la force des artisans. N’oublions pas que nous sommes avant tout des chefs pâtissiers ! »

Nous voilà en janvier. Noël et sa bûche Miss sont digérés. Pour les chefs pâtissiers indriens, il est temps de se tourner vers la spécialité de Pâques. « Il est trop tôt pour en parler. Il y aura forcément une base chocolatée, prévient Franck Grabowski. Disons que ce sera sans doute autour d’une boisson à fermentation, quelque chose de local. » Nous n’en saurons pas plus. Il suffit juste de s’armer de patience en attendant que mûrisse la nouvelle création. Et se dire que les idées ne manqueront pas à l’avenir. Au Salon de la Gastronomie, à l’automne dernier, Thierry Desnoël, doyen des pâtissiers de l’Indre, se faisait une joie de poser avec Joël Boyer- Pereira, le plus jeune de ses confrères. La relève en somme.

Franck Grabowski : « Parfois, j’essaie des trucs bizarres ! »

À l’écouter, Franck Grabowski serait presque une incongruité dans la pâtisserie. «Oui, mon père était pâtissier, mais je n’ai pas choisi ce métier. Disons plutôt qu’il m’a rattrapé. Avant de prendre sa succession, j’ai fait des études de Droit et j’ai effectué mon service militaire dans la Gendarmerie. Mon père a connu l’apprentissage à l’ancienne. Pas moi…» Il y a 16 ans, Franck Grabowski se met pourtant à son compte et au Péché Mignon, sa boutique à Châteauroux, ses macarons ont jolie réputation. «J’aime bien la pesée, le mélange, le croutage, le garnissage. Il y a des périodes où j’en fait tous les deux jours, autour de 400 à chaque fois jusqu’à Noël. Ma recette est classique : croquant à l’extérieur, moelleux dedans avec beaucoup d’amande et des parfums francs. Parfois j’essaie des trucs bizarres. Le plus surprenant ? Un macaron à l’huile d’olive confit aux fraises et vinaigre balsamique ! J’ai également fait un macaron à la menthe avec une coque noire. Le drapeau du Brésil aussi. Mais ce que je vends le plus, ce sont les macarons chocolat, cassis ou framboise.»

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