Desnoyers maître du temps

Le jeune horloger créateur de Neuvy-Saint-Sépulchre a créé la montre de ses rêves.

par Nicolas Tavarès

Louis Desnoyers n’a pas besoin de longs discours pour captiver son auditoire et l’embarquer dans son univers. Un monde à l’échelle de l’infiniment petit où le temps se mesure en patience. Louis a toutefois un énorme défaut : il est habité par son métier. On plaisante, évidemment. Mais cette passion peut l’amener à utiliser un vocabulaire trop spécifique pour qui ne maîtrise pas celui de l’horlogerie. Bienvenue dans l’atelier de Raveau-Desnoyers Manufacture Horlogère, la société créée il y a trois ans et qui sert de coeur au projet d’une vie, celui de la marque Apilace.

Louis Desnoyers passe le plus clair de son temps dans cet atelier, nuits comprises. La décoration, minimaliste, tient dans quelques posters de grandes marques de l’horlogerie accrochés au lambris, et qui côtoient une collection de diplômes rappelant que Louis Desnoyers, 28 ans, regard bleu, allure d’adolescent, casquette vissée sur la tête, a choisi de soigner son CV pour entamer sa quête.

Inspirée du biomimétisme

CAP d’horlogerie, Brevet des Métiers d’Art (mention très bien), BTS Conception et Industrialisation en micro-technique sont les indispensables sésames qui l’accompagnent dans la conception d’une montre qui naviguera «entre utilisation raisonnée des ressources primaires et optimisation topologique des pièces qui composent son habillage» détaille un dossier de présentation. En outre, Apilace s’inspire du biomimétisme, l’imitation technique des processus mis en oeuvre par la nature.

Et dire que Louis n’était pas destiné à faire tourner les aiguilles du temps. «J’ai toujours été passionné par la mécanique. Mais il n’y avait pas assez de perfection dans la mécanique auto. L’horlogerie ? C’est venu après mon accident. Sans cela, j’aurais terminé sur la mécanique des Formules 1, c’est une certitude.»

En 2012, Louis est en effet victime d’un très grave accident de la circulation. Dans le face-à-face avec une auto, lui et sa moto n’ont pas pesé lourd. Le choc le laisse paraplégique. «Ça a évidemment orienté ma vie professionnelle. Onze mois après, je me lançais dans l’horlogerie. Mais je n’avais pas envie de finir en bureau d’études. J’ai toujours voulu créer un produit industrialisable.»

Dans le respect de certains principes auxquels il ne pouvait pas échapper, lui, le fils et petit-fils d’apiculteurs à Neuvy-Saint-Sépulchre. L’abeille sera le symbole d’Apilace et son atelier est accolé à la miellerie familiale.

Surtout, Louis mène ses recherches dans une démarche éco-responsable. «Le produit sur lequel je travaille est un peu un OVNI. Le design de la carrure (le boîtier de la montre, ndlr) n’est pas seulement là pour faire joli mais pour utiliser un strict minimum de matière. L’objectif est de diffuser un message éthique sur plusieurs générations, en proie à la protection et conservation des milieux apicoles. À terme, une partie des fonds générés par la marque sera reversée à des institutions de recherche apicoles.» Pour mener le prototypage, l’horloger de Neuvy-Saint-Sépulchre a dû se tourner vers des sous-traitants disposant de machines ultra-perfectionnées, trop onéreuses pour qu’il se les offre.

Le prototype M22

Louis a donc pensé ses montres Apilace (préfixe relatif aux abeilles et lace, dentelle en anglais) en lattice, les a modélisées puis a façonné les différentes pièces commandées à ses fournisseurs à travers l’Europe, «huit en tout. Je ne fabrique pas le mouvement de la montre, son moteur, pour une question de coût.» Il reconstitue ensuite le tout dans son atelier. Des amis de promotion manceaux lui offrent quant à eux un point de vente où il présente l’un de ses modèles «afin d’avoir un retour de la part de clients. Ma boutique, pour le moment, c’est Instagram et mon site Internet.»Fruit des moyens engagés dans la recherche et du temps passé à sa conception, le prototype M22 navigue au-delà des 10000€.

«Je souhaite vendre l’un d’eux pour continuer à travailler sur l’amélioration de mon produit» insiste Louis. Certain de la qualité de sa création, il a noué des contacts avec le Groupe Rioland pour mener la réflexion sur la conception d’un bracelet fait de matières nobles. «Actuellement, le niveau d’exigence que je maintiens me pousse dans mes derniers retranchements face à l’approche des premières commandes.»

Il revendique une étanchéité à 200m quand il l’envisageait à 100au début du projet. Alors quand le jeune horloger créateur martèle «qu’une montre ne doit pas faire perdre de temps», on sourit. En fait, il ne lui manque plus que le premier acheteur, «celui qui servira de déclic en portant la montre. Quelqu’un qui investira sur le temps et l’amour qui ont été mis dans ce projet. En tant que paraplégique, je n’ai pas un rythme de vie suffisamment dynamique pour faire vivre la montre. Je ne suis pas un bon porteur.» Voire.

Apilace
FB & IG : Apilace
www.apilace.com

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