Bijotat vit sa meilleure vie
Il lui aura fallu patienter 40 ans pour véritablement fêter son titre olympique
par Nicolas Tavarès
«Je savais que Paris 2024 amènerait des sollicitations. Jamais je n’aurais pensé que ce serait à ce point !» À 63 ans, Dominique Bijotat a les articulations qui couinent ; un genou récalcitrant l’a d’ailleurs contraint à raccrocher les crampons en 1994. Pourtant, le médaillé d’or aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984 avec l’équipe de France de football dispute un véritable marathon depuis le début de l’année. «Un ami m’a demandé si je pouvais venir dans une école pour parler des Jeux. Ça s’est su, j’en ai visité jusqu’à deux par semaine.» Les stars du ballon rond d’aujourd’hui, à de très rares exceptions près, renâcleraient à venir à la rencontre d’une seule école, Bijotat, lui, y prend un vrai plaisir. «Parce que je me revois gamin. Je sais que pour eux, la médaille d’or c’est du bonheur.»
L’ancien champion de France 1982 avec l’AS Monaco répond donc de bonne grâce à toutes les sollicitations. Sa médaille peut enfin sortir de sa caisse où Dominique l’avait rangée au moment de son dernier déménagement. «Aujourd’hui, elle est quasiment tout le temps dans ma poche. Je sais que ça fait plaisir aux gens de la voir.» Et à lui par la même occasion qui, à l’époque, n’a jamais véritablement pu fêter sa breloque. L’histoire est d’ailleurs incroyable. Ceux qui ont suivi les Jeux de Los Angeles se rappellent d’abord que pour nous Français, ces Jeux signifiaient que la plupart des finales se disputaient au coeur de la nuit, décalage horaire oblige. «Lorsqu’on est passé en quart de finale du tournoi, on nous a annoncé que les demies seraient en direct à la télé. Ma famille, mon père, allaient me voir, j’étais fier» raconte Bijotat.
Finale techniquement maîtrisée
La fameuse demi-finale est passée sans encombre face à la Yougoslavie (4-2). Le premier but tricolore est même inscrit par le Montgivréen en lévitation. «C’est mon match le plus marquant. Je démarre très bien, je fais une feinte, je marque (à la 7e minute). Il se passait quelque chose, tout pouvait me réussir. Dans une carrière, on a des pics : c’en était un.» Le coup d’envoi de la finale contre le Brésil est donné à 19 heures sur la côte ouest des États-Unis. En France, seuls les fêtards et les vrais passionnés seront devant leur télé à 3 heures du matin. «Cette finale, je la maîtrise techniquement alors que j’étais ciblé par Dunga, se souvient le milieu défensif. En 2e mi-temps, Dunga n’est plus derrière moi. Je pousse la balle, (Daniel) Xuereb termine l’action par un but.» Et un, et deux zéro, la France est championne olympique ! Deux mois après le titre de champion d’Europe de la bande à Platini, les Bleuets d’Henri Michel déposent la cerise sur le gâteau d’un été triomphant. Fermez le ban.
«On arrivait après l’Euro gagné ; nous n’avons pas eu la reconnaissance méritée. Il n’y a pas eu de fête, pour la cérémonie de clôture des Jeux, nous étions dans l’avion. Il a fallu reprendre l’entraînement dans nos clubs respectifs. Quatre jours après, avec Monaco, on jouait à Bastia en championnat. Nous sommes les seuls médaillés français à ne pas avoir eu droit à la Légion d’Honneur, à être reçu à l’Élysée ! On nous a dit : « Ne vous prenez pas pour les A ! » Quelque part, ça nous a donné une force. Le titre olympique, on l’a fêté 20 ans plus tard et on s’est revu en mars dernier pour le tirage des poules du tournoi de Paris 2024.»
À 10m de Carl Lewis
Pour autant, quarante ans après l’exploit, Dominique Bijotat ne garde que de bons souvenirs des Jeux de Los Angeles que Paris 2024 a ravivé. «Oui, ça a fait ressurgir plein de choses enfouies. Tant d’un point de vue relationnel que sportif, les Jeux, c’est un émerveillement. Le village olympique, ça m’a conforté dans les valeurs reçues de mes parents. J’ai eu l’opportunité d’aller voir une épreuve et quelle épreuve : le saut en longueur. J’ai vu Carl Lewis devenir champion olympique. Il était là, à 10m devant moi. Deux jours après il gagnait le 100m. L’essence même du sport était dans sa course. Émotionnellementça a été très fort pour moi. La deuxième chose la plus forte c’est lorsqu’on nous a remis la médaille d’or. Pendant cinq-six secondes, je n’étais plus à Los Angeles. J’étais à Montgivray et tout défilait dans ma tête. Je revoyais mon départ de la maison à 15 ans seulement pour rejoindre Monaco…»
Un air de colonie de vacances
Dominique Bijotat poursuit : «Nous étions dans les années 80, il y avait une forme de liberté. Il n’y avait pas de pression. Henri Michel nous avait emmenés vers un état d’esprit particulier. Il nous a rendu autonomes. À deux jours de la finale, on a fait une partie de pêche au thon. Sur le village olympique, j’avais sympathisé avec Joseph Mammoud (médaille d’argent du 3 000 steeples lors des Jeux, ndlr). Nous parlions beaucoup avec les basketteurs. Lorsqu’ils se font éliminer, on récupère une partie de leur dortoir et là, on s’est tous mis ensemble, c’était une vraie colo. On ne verrait plus ça aujourd’hui.»
Rentré en France, Dominique Bijotat est sollicité par plusieurs clubs italiens. Il restera finalement à Monaco jusqu’en 1987 (puis de 1988 à 1991). Sous la tunique rouge et blanc, il gagnera une Coupe de France (1985). Le Montgivréen évoluera une saison chez les Girondins de Bordeaux (1987-1988) où il retrouvera Jean-Christophe Thouvenel et José Touré, deux autres médaillés à Los Angeles, «mais 4 ans après, les JO c’était terminé. Le tiroir était refermé.»Convié par le Département ou Châteauroux Métropole à la moindre manifestation en lien avec Paris 2024, porteur de la flamme, Dominique Bijotat vit sa meilleure vie. «En 1984, si on m’avait dit que 40 ans plus tard il y aurait les Jeux en France et que ce serait aussi dans l’Indre, j’aurais été incapable de dire pour quelle discipline. En tout cas, je vis avec ma médaille d’or depuis tout ce temps et quand on me demande de la présenter, ça fait toujours un grand boum !»
L’Indre et ses médaillés olympiques et paralympiques
L’air de rien, le sport indrien s’est fait une petite place au soleil des Jeux. L’Issoldunois Daniel Revenu, décédé en janvier dernier, a ainsi décroché l’or au fleuret par équipes à Mexico (1968) complétant sa collection de médailles de bronze individuel et par équipes de Tokyo (1964). Plus près de nous, le licencié à l’AC Bas-Berry Issoudun Kévin Sireau s’est doublement paré d’argent en vitesse par équipes à Pékin (2008) et Londres (2012). Du côté des athlètes paralympiques, le pongiste issoldunois Claude Chédeau a ramené de Séoul (1988) la médaille d’or. Le Breton Sébastien Le Meaux portait quant à lui les couleurs du Judo Club de Déols lorsqu’il a décroché le bronze aux Jeux d’Athènes (2004). Idem pour le Nordiste Stéphane Molliens, licencié au CTT Déols, quand est tombée sa dernière médaille d’or en double au tournoi de para tennis de table de Tokyo (2021).