Jeux, set et match
La parenthèse enchantée des Jeux Olympiques s’est refermée à Châteauroux ce lundi. Dix jours d’épreuves de tir au CNTS, 15 titres décernés et des images plein les yeux pour les athlètes et les bénévoles qui attendent d’en reprendre une rasade lors des Jeux Paralympiques.
par Nicolas Tavarès
Vous en connaissez combien, vous, des Guatémaltèques ou des Chiliens qui se souviendront à jamais de Châteauroux et des charmes du bon vivre indrien ? Pour notre part, nous en comptons deux. Deux athlètes qui ont profité de la tenue des épreuves de tir des Jeux Olympiques de Paris 2024 au CNTS pour entrer dans l’histoire de leur pays et de leur sport.
Adriana Ruano a en effet apporté au Guatemala sa toute première médaille d’or en remportant la fosse olympique. Grâce à un succès étriqué au skeet qui a fait avaler de dépit sa casquette de grande favorite à l’Anglaise Amber Hill, Francesca Crovetto est pour sa part devenue la première championne olympique chilienne. Joli pour une nation qui ne comptait jusqu’à maintenant que deux médailles d’or décrochées par des tennismen aux Jeux d’Athènes 2004.
Du côté de l’équipe de France, les destins mêlés de Crovetto et Ruano ont dû laisser rêveur. Les Bleus s’avançaient avec des ambitions certes modestes dans la compétition, mais des ambitions quand même. «Nous nous étions projeté sur trois à cinq médailles» rappelait ce lundi après-midi Gilles Muller, le directeur technique national. Le bilan est bien loin des espérances. La dernière d’entre elles reposait sur la paire Lucie Anastassiou-Eric Delaunay dans le Skeet par équipes mixtes (9e et non qualifiée pour la finale).
«Sur cette dernière épreuve, subir et frustration sont les mots qui me viennent comme ça a été le cas toute cette semaine, admettait le DTN. Nous vivons des moments extraordinaires avec un troisième tireur, le public, qui nous soutient, mais d’un coup on décroche. Dès que la pression augmente, il y a un vrai trou noir qui apparaît. Comme s’il y avait un manque de préparation.»
Aller gagner des médailles à Los Angeles
Lucie Anastassiou, effondrée, reconnaissait qu’elle aurait voulu profiter «de ce public qui, lui, est médaille d’or de l’ambiance. Mais la compétition est allée trop vite. Je n’ai pas su faire le taf jusqu’au bout. Le tir c’est du détail, mais il faut savoir doser. Quelque part, c’est très bien d’avoir vécu ça même si ça fait vraiment ch… que ça arrive en France. Je vais apprendre à être efficace. Les Américains sont venus chez nous gagner des médailles (1 d’or, 2 d’argent, 2 de bronze, ndlr), on ira gagner à Los Angeles en 2028 !» Des propos que partageait Eric Delaunay : «On aurait aimé rendre à ce public tout ce qu’il nous a amené. On a appris beaucoup de choses pendant ces Jeux. Nous n’avions jamais connu une telle ambiance, ça va nous aider. Notre petite victoire, c’est que des gens qui ne connaissaient rien du tir l’ont découvert et qu’ils ont envie d’essayer.»
N’empêche, derrière un discours tout en retenu, le Directeur technique national va devoir tirer des enseignements avec la seule médaille d’argent ramenée par Camille Jedrzejewski au pistolet de vitesse à 25m. Va te gargariser avec ça et seulement deux finalistes nommés Océanne Muller (5e à la carabine à 10m) et Lucas Kryzs (6e à la carabine 50m 3 positions). La France n’espérait pas jouer dans la cour de la Chine qui a survolé les compétitions avec la Corée du Sud, les deux pays asiatiques raflant 9 des 15 titres décernés. Mais au tableau des médailles du tir, on imaginait autre chose que la 10e place finale.
La France 10e au classement des nations
Et dire qu’il y a dix jours, Châteauroux voulait commencer à vivre son rêve éveillé en voyant la France cueillir la toute première médaille des Jeux. Puisqu’il semble que ni Lihao Sheng, ni Yuting Huang, duettistes chinois vainqueurs en ouverture à la carabine 10m mixte, n’ont sollicité de rendez-vous en mairie de Châteauroux pour entamer une procédure de naturalisation, il faudra maintenant attendre une centaine d’années au bas mot pour que les Jeux Olympique reviennent dans l’Hexagone et qu’ainsi se réalise ce vœu pieu. Pour la petite histoire, précisons que pour les Jeux Paralympiques (28 août au 8 septembre), le CNTS va remettre le couvert du 30 août au 5 septembre, mais que la première médaille tombera le 29 au para cyclisme, à la para natation ou du côté du para taekwondo.
Les épreuves de tir des Jeux se sont achevées ce lundi et le bilan qu’en dresse le territoire est déjà positif. Châteauroux et l’Indre ont montré leur capacité à recevoir un événement planétaire en y mettant les formes. Patientons quelques semaines pour en savoir plus sur les retombées économiques. Il y aura forcément des grincements de dents, certains ayant confondu Jeux Olympiques et poule aux œufs d’or.
Mais le public local qui s’est mêlé aux supporters venus en nombre dans les gradins a découvert à la fois un sport, mais surtout un écrin. Méditons en choeur sur les paroles de ce bénévole castelroussin : «Espérons que les Indriens viendront maintenant plus souvent au CNTS. L’année prochaine il y a des championnats de France et des championnats d’Europe. Il y aura autant de spectacle et c’est entièrement gratuit !»
Relations aigre-douces
De Châteauroux ville olympique, on retiendra aussi que les élus locaux ont tenu leur rang dans une autre compétition, inattendue celle-là et surtout restée dans l’ombre : le bras de fer quasi quotidien avec le comité d’organisation des Jeux pour éviter de passer pour des plantes décoratives dans le champ protocolaire. Plusieurs témoignages abondent en ce sens : les relations entre les collectivités locales et Paris 2024 ont été aigre-douces, nécessitant de nombreuses mises au point à l’occasion des visites de Thomas Bach, président du Comité International Olympique, ou de Peter Pellegrini, nouveau président de Slovaquie venu soutenir ses tireurs. En revanche, ce lundi matin, les agendas des élus du cru mentionnaient la venue de Tony Estanguet et personne ne manquait à l’appel.
Vu de la Capitale, la chose prêtera à sourire et certains feront sans doute preuve encore longtemps de condescendance vis-à-vis d’un bout de territoire rural devenu hôte olympique. Mais ils auront compris que le Berrichon aime à recevoir et ouvrir grand sa porte à condition que son invité pense à s’essuyer les pieds sur le paillasson avant d’entrer.