David Fleuret en trompe l’oeil
Le Castelroussin s’est taillé une solide réputation de décorateur d’intérieur
par Nicolas Tavarès
Il y a ceux qui ont de l’or dans les mains. Et puis il y a David Fleuret. Entre les siennes, on trouvera plus certainement du rhodium, de l’iridium ou de l’osmium, métaux autrement plus précieux que l’or. Le Castelroussin n’est pas du genre à étaler son talent sur la place publique ; le bouche-à-oreille lui suffit. David est décorateur ; «vous pouvez dire architecte d’intérieur si vous voulez». Peu importe le nom, au gré de la discussion, il se définira tour à tour mécanicien moto, serrurier, dessinateur, sculpteur ou peintre. Sa carte de visite le présente comme designer d’espace. «J’ai fait plein de petits boulots», consent-il en esquissant un sourire. Puis de préciser : «J’ai par contre une connaissance très poussée des objets, enseignes publicitaires et voitures américaines. Et ma spécialité, c’est de faire du « vieilli ».»
Sans doute n’avez-vous jamais prêté une attention particulière à David Fleuret. Mais si vous avez l’habitude de fréquenter certains bars ou restaurants de Châteauroux, voire de La Rochelle, Blois et Limoges où il a également sévi, vous avez forcément remarqué son travail. Vous n’avez même vu que lui. Les patrons du Jardin du NPA, du Café Face, Chez Fabrice, la Brasserie des Halles, L’Écrin des saveurs et plus récemment le O’Cirkus et le Family’s Coffee Shop lui ont tous confié la décoration de leur établissement. Son savoir-faire en a fait des lieux uniques. Sa signature? Un souci du détail poussé à son paroxysme et la faculté à vous transporter dans un univers qui renvoie le plus souvent à l’Amérique des années 20 à 50, aux vieilles cylindrées (à deux ou quatre roues) ou à l’aviation.
Coup de génie à Villepinte
D’aussi loin qu’il se souvienne, le Castelroussin, aujourd’hui âgé de 55 ans, a toujours bricolé. Pour autant, une grande partie de sa vie professionnelle l’a d’abord conduit à devenir un spécialiste de la plaque émaillée publicitaire. Quelques castelroussins se souviennent encore de la boutique de Gérard Blanchard chez qui l’on trouvait justement ces plaques et tout un tas de gadgets estampillés US. «Gérard m’avait donné le catalogue d’un de ses fournisseurs installé à La Rochelle. Je suis parti vivre là-bas plusieurs années. J’ai d’abord travaillé pour un architecte avant d’aller chez le fameux fournisseur qui m’a embauché dans sa boutique. Chaque année, il participait au salon Maison&Objet à Villepinte. C’était un rendez-vous incontournable. Il m’a demandé de réfléchir à un projet de stand pour mieux vendre ses produits. J’ai reconstitué une rue de Paris avec une colonne Morris haute de 4m. Il y avait une épicerie, un bistrot et un garage. Tout était démontable. L’année d’après, on installe le stand au salon et là, on se fait littéralement défoncer. On a multiplié le chiffre d’affaires par quatre.» Le marché de la plaque émaillée se portait bien.
«On s’est dit: « pourquoi ne pas faire des pubs françaises? ». J’étais créateur de produit, on fabriquait nous mêmes les plaques sans passer par les pays de l’est. Nous avons même fait venir deux fours…» À la même époque, David multiplie les aller/retour vers les États-Unis. «Nous avions des clients américains, mais mon patron n’a jamais voulu qu’on tente le business là-bas.» La lassitude fait son office et au bout de 15 ans, David revient à Châteauroux où il n’avait jamais rompu le lien. En 1998 il avait ainsi réalisé sa première décoration d’un bar de la ville : l’ex B52 où un Gee Bee de 1932, avion de course, est toujours accroché au plafond.
Le cirque des années 20
Aujourd’hui la liste de ses clients est longue, mais sa façon de travailler ne change pas : «J’aime être seul et je fabrique toujours tout le décor sur place. Je fais tout en pinceau et aérographe pour les effets. Pour le O’Cirkus, l’idée première c’était une déco sur la prohibition. Mais le bâtiment ne s’y prêtait pas et cela représentait un gros budget. Quand j’allais aux États-Unis j’assistais à des courses de hot rod dans le New Jersey et je me suis souvenu avoir vu de grandes bâches sur le cirque des années 20, celui des monstres de foire. C’est comme ça qu’est venue le projet d’une déco de cirque à l’ancienne.»
Pour le Family’s Coffee Shop, c’est un authentique, coffee shop américain comme on en trouve dans certaines villes qui a été reconstitué. «Ça a été un peu plus long à réaliser…»Une fois les chantiers achevés et qu’arrive l’heure de l’ouverture, le décorateur s’offre son petit plaisir : «Je m’installe dans un coin de l’établissement et je regarde la réaction des gens.» Étrangement, David n’a jamais envisagé se tourner vers le cinéma, «il faut travailler avec des délais trop rapides» pas plus qu’il n’a tenté sa chance à Paris, «ça ne m’intéresse pas!» En revanche, il a postulé au parc Disney : «Je m’y suis pris trop tard, mais j’ai eu l’occasion de visiter leurs ateliers. C’était incroyable. J’aurais appris des choses avec eux.»
À son planning figurent de nouveaux projets, mais lui qui a rénové de vieilles voitures et motos en guise de passe-temps aimerait maintenant travailler sur la déco d’un bar «consacré aux motards avec des vieilles brèles…» Quant aux regrets, David Fleuret n’en concède qu’un seul : «Ne pas avoir fait ça plus tôt!»