Des champions mis sous vide

En immersion à huis clos dans une manifestation sportive. Glaçant…

par Nicolas Tavarès

Quel rapport entre une ceinture de champion de France de boxe conservée et une victoire de la Berri en L2 ? Rien si ce n’est l’absence du public indrien pour en profiter.

Depuis des mois, le sport hexagonal a été mis sous cloche. Stades et gymnases demeurent vides ; la pratique officielle n’est autorisée que pour les professionnels ou inscrits sur les listes de haut niveau. Jusque-là, seule la Berrichonne football vivait les affres du huis clos. Et puis fin janvier, la boxe s’est invitée dans le débat avec un gala organisé par le Boxing club castelroussin au gymnase Jablonsky de Châteauroux. Trois jours après, la Berri, encore, recevait Chambly pour une journée du championnat de Ligue 2. Deux salles, deux ambiances que Carré Barré a découvert pour vous. On ne va pas se mentir, le sport sous vide, c’est d’une fadeur. Et on est poli.

Samedi 30 janvier. Un championnat de France de boxe se joue donc à Jablonsky. La durée de vie de la ceinture des mi-lourds de Thomas Faure est menacée de péremption s’il ne la défend pas rapidement. Alors avec son équipe du BCC, Sofien Bahi a mis les petits plats dans les grands pour donner un peu de grain à moudre à ses trois pros (Villaudière, Zimmer et Faure) et prouver, que même sous la menace d’un virus, en plein couvre-feu, la lumière point au bout du tunnel.

 

Aux premiers coups échangés entre Yliès Villaudière et Talbi, son adversaire du soir, on a mal pour eux. Parce que c’est Jablonsky morne plaine. Il est 16h. Habituellement un gala bien troussé par le Boxing club, ça ne débute pas avant 20h, quart d’heure berrichon pas compris. Du coup, les baies vitrées du gymnase diffusent la lumière du jour. Une incongruité. Autour du ring, on ne dénombre qu’une petite grosse trentaine de spectateurs. À y regarder de plus près, se trouvent là journalistes, bénévoles de l’organisation, juges et une poignée d’élus ou de partenaires installés à l’écart, distanciation physique oblige.

On imagine aisément le crève-cœur pour Sofien Bahi que la conservation de la ceinture de champion des mi-lourds de Thomas Faure ne consolera qu’à moitié. Il passera d’ailleurs sa soirée un œil rivé sur ses trois  poulains, l’autre à scruter les niveaux de gel hydroalcoolique ou le passage du moindre grain de sable qui pourrait gripper la machine. La diffusion en direct sur Bip TV, deux résultats nuls, une victoire et la couronne de champion conservées lui donneront heureusement du baume au coeur. Mais pas certain qu’il retentera pareille aventure dans ces conditions.

La « nécropole » Gaston-Petit

 

Mardi 2 février. La température est printanière sur Châteauroux. Voilà plusieurs semaines que la Berrichonne promène la lanterne rouge de stade en stade (alerte spoiler : la venue de Chambly pourtant atomisé 4-0 ne changera rien à l’affaire). Gaston-Petit sonne creux et l’expérience en immersion est particulière : c’est comme si vous étiez posé au milieu de la pelouse, au contact des joueurs le tout en dolby stéréo, 5.0, barre de son et tout le toutim. Mais qu’est-ce que ça cause un joueur sur un pré ! Quant au secret sur les échanges avec l’arbitre, il est largement éventé. En tribune, c’est comme si Sylvain Rogie, le journaliste de France Bleu Berry, commentait sur vos genoux tellement sa voix résonne. Les joueurs hors groupe, eux, ont pour mission de chambrer. Ils tiennent leur rôle à merveille.

C’est déconcertant. Le président Thierry Schoen va même plus loin : «Pendant un huis clos, tu as le plaisir du jeu, mais sans le sel, le poivre et tous les ingrédients qui l’accompagnent : la joie, la peine. Il y a un côté nécropole. Le football, c’est un spectacle, mais sans public ce n’est pas pareil. Et ceux qui sont dans le stade le sont pour un motif professionnel. Bon, quand les résultats ne sont pas là, au moins, tu ne te fais pas engueuler. Mais ça aussi, ça nous manque. Tout est dénaturé.» On vous l’avait dit, deux salles, mais une même ambiance sans saveur même si le spectacle était au rendez-vous. Mais face aux acteurs, les chaises restaient désespérément vides.

Sofien Bahi : «On a réussi !»


Quel sentiment gardez-vous après ce gala de boxe ?
«Je suis forcément très content parce qu’on a réussi là où d’autres dans l’Indre n’avaient malheureusement pas eu cette chance. Il y a la réussite de nos boxeurs aussi, mais elle dépendait de tous ceux qui ont aidé à la réalisation de cette soirée.»

Dans ces conditions, la réussite sportive était-elle indispensable ?
«Sportivement, pour Villaudière, c’est justifié (match nul), pour Zimmer c’est très beau (victoire), en revanche, je ne comprends pas le résultat de Faure (nul). Mais ça ne gâche pas la fête, heureusement.»

Qu’est-ce qui aura été le plus difficile pour vous ?
«Monter un gala dans des conditions pourries ! Mais ça décuple l’envie. On n’avait pas choisi la facilité, mais on s’était dit qu’on allait malgré tout mettre sur pied une belle soirée.»

Rechercher
X