Bien programmer, c’est gagner

Monter une saison culturelle est un travail de très longue haleine

par Nicolas Tavarès

Composer une programmation culturelle n’est pas aisé. Confirmation avec l’élue chargée de la culture au Poinçonnet et le directeur d’Équinoxe Scène nationale de Châteauroux qui livrent une partie de leurs secrets .

En septembre, les voiliers ne sont pas les seuls à se dévoiler. C’est aussi le temps où le rideau se lève sur les nouvelles saisons culturelles. Trouvez le juste équilibre en la composant et les abonnements suivront. Mais comment prépare-t-on une programmation lorsque l’on est élue à la culture d’une municipalité qui porte une petite salle comme l’Asphodèle (250 places) ou directeur d’une scène nationale ? Mathilde Fouchet (ci-dessous), adjointe au maire du Poinçonnet, et Jérôme Montchal, directeur d’Équinoxe Scène nationale de Châteauroux se confient, attention : secrets de fabrique! Honneur à l’Asphodèle. La dizaine de dates qui jalonne la saison 2022/2023 a une saveur particulière pour Mathilde Fouchet «puisque c’est la première entièrement constituée par la nouvelle équipe municipale. La précédente était rythmée par de nombreux reports des spectacles programmés en 2020 qui n’avaient pu se tenir à cause de la situation sanitaire.»

Au Poinçonnet, le fonctionnement est parfaitement rodé : l’association l’Asphodèle envoie ses membres, notamment Jack Moreau son président, assister aux spectacles puis une première liste est établie en fonction du budget (une enveloppe de 45000€ est allouée aux cachets des artistes). Quatre à cinq réunions entre les membres de l’Asphodèle et l’équipe municipale (Mathilde Fouchet, Elisabeth Delalande, conseillère municipale déléguée à la saison culturelle, et Danielle Dupré- Ségot, la maire) seront nécessaires pour valider les choix finaux, généralement en novembre. «La saison culturelle est entièrement portée par la municipalité, rappelle Mathilde Fouchet. Nous donnons une direction. Par exemple tant de chanson française, de spectacles jeunesse. Nous assumons nos choix pour faire vivre cette salle et donner accès à la culture.» Mais il arrive parfois que les propositions des uns butent sur la validation des autres.

«On peut ne pas être d’accord sur tout.» Clin d’oeil à un épisode récent où un chanteur vedette des années 60 ne soulevait aucun enthousiasme chez l’élue. «On est passé par un vote et au final, on l’a mis dans notre saison et le jour de son concert, la salle était pleine! Reste que cette année, nous avons choisi de moderniser la programmation pour attirer une nouvelle population, les 30-40 ans notamment.» Cette saison, la tête d’affiche sera Lilian Renaud (13 janvier, vidéo), lauréat de The Voice en 2015. Une question de génération donc.

«Un travail d’expertise»

À l’ombre d’Équinoxe, la Scène nationale de Châteauroux, Jérôme Montchal s’astreint justement à éviter le piège qui consisterait à ne «s’intéresser qu’à sa génération. Réaliser une programmation, c’est mon métier depuis 25 ans. 25 ans d’habitudes, de pratiques culturelles, à voir naître des jeunes talents, à imaginer ce que pourrait donner un projet de création, à trouver l’équilibre entre la création et la diffusion. C’est un travail d’expertise.» Dans son bureau, des casiers contiennent tous les dossiers de spectacles qui ont été présélectionnés pour chaque saison. Dans celui de 2023-2024, déjà une soixantaine d’enveloppes classées par catégorie: théâtre, cirque, chansons, danse… La programmation estampillée 2022-2023, dévoilée officiellement le 23 septembre prochain lors de « La Grande fête de saison », elle, a été préparée bien en amont par Jérôme Montchal et son équipe.

«Nous travaillons toujours avec une à deux saisons d’avance. Au printemps dernier, j’ai retenu des projets pour la saison 2024-2025, celle des 30 ans de la Scène nationale En avant-première, le directeur dévoile la tendance de la saison 2023-2024 : «Ça va être sportif! Lors du dernier festival d’Avignon, j’ai découvert la création d’un chorégraphe hollandais qui irait parfaitement avec la thématique olympique. J’aime aborder une programmation en m’appuyant sur un thème donné. Les Jeux viendront à Châteauroux., c’est incroyable pour une petite ville de les recevoir alors comme tout le monde, nous en parlerons. Il est important de ne pas être hors de son terroir local.» S’appuyant sur son cahier des charges, Jérôme rappelle qu’il «doit accompagner la création contemporaine dans le domaine du théâtre subventionné et la Scène nationale doit avoir une dimension internationale.»

Ainsi, cette saison, Châteauroux verra passer des compagnies américaines, belges, grecques ou australiennes. L’Asphodèle et Équinoxe ne naviguent certes pas dans les mêmes eaux. Jérôme Montchal dispose par exemple d’un budget de 1,5 million€, mais les deux structures ont un même objectif : offrir une programmation qui plaira au plus grand nombre. Après, à chacun sa manière.

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