Des kimonos en salle d’attente

Pour Andrea et Anna, karatékas indriennes, les Jeux attendront

par Nicolas Tavarès

L’Ardentaise Andrea Mazzonello et la Poinçonnoise Anna Rajsavong ont assisté, dépitées, à l’exclusion du karaté au programme des Jeux. Elles croient à son retour en 2028. En attendant, elles débordent d’ambitions.

«On avait la possibilité de rajouter quatre sports. Avec des sports urbains comme le break dance et le skate board, on va chercher des disciplines que les jeunes regardent. Le surf et l’escalade, eux, apportent une dimension spectaculaire et différente des sports déjà au programme.» En quelques mots lâchés au micro de France Info le 9 août 2021, Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024, scellait le sort du karaté, dès lors exclu du programme olympique. Steven Da Costa, sa médaille d’or gagnée à Tokyo et tout ce que l’Hexagone compte de combattants pouvaient aller raccrocher le kimono au vestiaire!

20 décembre 2022, dans un café de Châteauroux. Réunies pour évoquer un sport dans lequel elles s’épanouissent, Anna Rajsavong, puce de 12 ans licenciée à l’US Le Poinçonnet Karaté Do, et Andréa Mazzonello, 16 ans, membre du Shoryû 36 d’Ardentes, pensionnaire du Pôle France au CREPS de Châtenay-Malabry, discutent à bâton rompu devant un chocolat chaud. Encore bien trop jeunes, elles n’auraient pu prétendre à une sélection pour les Jeux de Paris. Mais leur avenir majuscule dans l’art martial ouvre forcément des perspectives internationales. Coach d’Andréa à Ardentes, Aurélien Paudat la voit «viser un podium mondial d’ici deux ans, le temps qu’elle retrouve son niveau d’avant COVID et de sa blessure au genou. Si le karaté revient au programme des Jeux en 2028 – et pour le moment, c’est du 50/50 ! – ça pourrait lui permettre de vivre du karaté.»

Un podium mondial d’ici 2 ans ?

«On ne va pas rester sur ça, tempère Andréa. On n’a pas compris la décision mais il faut croire au retour du karaté aux Jeux en 2028. En attendant, ça n’a pas changé ma préparation. À court terme, je veux gagner chaque compétition à laquelle je participe. À long terme, je veux devenir championne du monde senior le plus tôt possible. Dans deux ans, dès que j’aurai l’âge en fait !» La détermination de l’Ardentaise est évidente : «Elle a la gnaque, le niveau mental et la rage pour y parvenir» insiste Aurélien Paudat. On retrouve la même chose chez Anna Rajsavong, une dose d’aplomb en plus alors qu’elle a encore tout à prouver.

Ainsi, lorsqu’on lui demande quels sont ses rêves de sportive, elle répond illico : «Entrer en équipe de France, devenir championne du monde et gagner un max de titres. Je veux qu’on associe mon nom au karaté que ce soit en kata et en combat. Les deux disciplines sont différentes, mais je serai la première à le faire !» Bao Nguyen, son président au Poinçonnet, le concède : «Anna a du potentiel, c’est clair. Elle a déjà été conviée au CREPS (le Pôle France), mais elle n’a que 12 ans. Elle est logée à la même enseigne que d’autres jeunes du club que j’emmène à l’étranger en Youth League pour se frotter à autre chose.»

Réussir en combat et kata

«Pour le moment Anna est dans le jeu. En combat, il lui faut encore de la rigueur et être patiente. Au club, je pousse systématiquement les jeunes à faire du kata et du combat. Le choix entre les deux viendra plus tard. Mais des karatékas qui arrivent à faire les deux à l’international, c’est très rare.» Andréa Mazzonello a depuis longtemps emprunté la voie unique du combat (championne de France minimes 2019, coupe de France cadette 2020 vice-championne 2021). Sur son agenda 2023, elle a souligné en rouge deux événements : le championnat de France et l’Open d’Orléans. Anna ne veut pas encore trancher. À son palmarès figurent notamment un titre de vice-championne de France benjamine kata 2021 et une 3e place aux France minime combat zone nord 2021. En 2023, elle veut retrouver la Youth League. Après l’Italie en décembre, c’est l’Espagne qui s’annonce bientôt.

En marge de ces perfs, les deux ados partagent un même espoir : celui de voir leur sport enfin reconnu et médiatisé. «Aucune chaîne française ne diffuse de compétitions de karaté. Les live c’est uniquement sur YouTube. Ça agace» se navre Andréa. «Quand tu pratiques un sport qui est une véritable passion, c’est frustrant» renchérit Anna. Bien accompagnées par leur entourage familial, les deux indriennes scrutent l’horizon. Andréa envisage des études en sciences et techniques des activités physiques et sportives. Anna se voit, «photographe, graphiste ou cascadeuse !» Preuve qu’il y a une vie avant les Jeux Olympiques.

DES JO, une série

Dans un an, tous les regards seront braqués sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. 2023 reste synonyme de course à la qualification. Tout au long de l’année, Carré Barré va dresser le portrait de sportifs qui, de près ou de loin, vont être concernés par l’événement planétaire. Dans l’épisode 1, voici Andréa Mazzonello et Anna Rajsavong, deux karatékas d’Ardentes et du Poinçonnet qui ont vu leur sport exclu du programme olympique !

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