En hiver ça chine aussi
Pour Jean-Noël, Corentin ou Anthony courir les brocantes est une véritable passion.
par Nicolas Tavarès
On chine comme on aime. Alors croyez-nous sur parole, les brocantes pour Jean-Noël, Corentin et Anthony, c’est plus que de l’amour ; c’est une passion dévorante. En pleine saison, de mars à octobre, cela peut parfois les conduire à en visiter trois ou quatre dans la même matinée. Ils prolongent le plaisir l’hiver venu, furetant chez Emmaüs ou dans des brocantes ayant pignon sur rue. Ils ne se connaissent pas et ne sont pas de la même génération, mais un argument les rassemble pour justifier l’intérêt qu’ils portent à chiner : «Les objets ont une histoire…»
C’est suffisant pour motiver des dimanches à se lever aux aurores pour filer sur les routes de l’Indre en quête d’une pièce rare. Figure bien connue à Châteauroux où il a créé le restaurant Le P’tit Bouchon à la décoration si singulière, Jean-Noël a passé des années à fouiller les caisses. Il avait une bonne raison pour cela : «En 1999, lorsque j’ai repris le café de la rue Grande pour en faire le restaurant, il me semblait évident d’associer le lieu à l’histoire de ce coin du vieux Châteauroux. Quand tu as un zinc des années 30, il est hors de question que la décoration ne soit pas en adéquation. C’était pareil lorsque nous avons ouvert l’Annexe avec mon fils.»
Vieux objets et souvenirs
Dans L’ Annexe en question, Jean-Noël vend sa déco chinée par ci, par là. «Pour Noël, pourquoi ne pas offrir des objets qui représentent des souvenirs sans que ce soit plus cher. C’est mieux que d’acheter du made in China.» Vendre les objets décoratifs n’est pourtant pas son unique leitmotiv. «Depuis plus d’un quart de siècle je chine. Ça permet de prendre l’air. Mais il faut l’oeil et je vais parfois trop vite. Heureusement mon épouse est plus loin derrière, en mode veille!» Anthony et Corentin adoptent à peu près la même stratégie. Le premier fréquente les brocantes depuis qu’il a 10 ans. Le second s’y est mis en 2015. Chacun a son pré carré : les jeux de société ou les livres pour Corentin qui s’est lancé dans la collection de l’intégralité de la série médiévale-fantastique Beast Quest. Anthony, lui, recherche l’objet à bricoler et à transformer pour le détourner de son utilisation initiale.
«Je collectionne également les vieux appareils photo, les outils à bois anciens ou les Playmobil ! Mais le plus souvent, je ramène beaucoup de déco et de petits meubles.» Dans le duo, chacun tempère l’autre pour éviter les dépenses inconsidérées. «Il est souvent intenable» s’amuse Corentin. Mais l’un comme l’autre reconnaissent être parfois pris par la fièvre au point d’avoir transformé leur domicile en brocante. «Je ne me limite pas, concède Anthony. Quand il n’y a plus de place, je donne ou je vends les objets.» Évidemment, à force de chercher, on finit par trouver. «Mon plus beau coup ? Un pulvérisateur en laiton» avoue Anthony avant de plonger le nez dans l’un des casiers alignés dans la cour intérieure de la communauté Emmaüs à Déols. Il en ressortira une lampe à pétrole. «Un jour, j’ai trouvé le jeu HeroQuest pour 4€. Aujourd’hui il en vaut 200. Mais pas question de le vendre, je joue avec, dit Corentin. J’ai aussi découvert une vieille édition collector illustrée du « Seigneur des anneaux ». Certains achètent pour revendre, moi j’achète simplement pour moi ou pour faire un cadeau marrant. »
L’arrosoir vendéen
Il y a quelques années, Jean-Noël est tombé sur une boîte de sucre Béghin-Say des années 50. «Lorsque je l’ai ouverte, il y avait encore les morceaux de sucre de l’époque dedans.» Il lui est aussi arrivé de craquer sur un petit arrosoir métallique. «Je l’avais trouvé à Saint-Christophe-du Ligneron (Vendée) mais je l’avais oublié sur le stand. Le lendemain, je le retrouve dans une autre brocante. L’exposant me l’avait mis de côté. Cet arrosoir il avait vraiment envie d’être avec moi.» Avec le temps, les trois hommes ont appris les us et coutumes du milieu de la brocante et connaissent par coeur les lieux et les dates incontournables du calendrier. Aigurande un samedi d’août et Le Blanc, le lendemain, souligne Jean-Noël. Brion pour ouvrir la saison en mars et Marôn pour la refermer, en octobre, ciblent Corentin et Anthony.
«Grâce aux brocantes, on a découvert des villages de l’Indre que l’on aurait jamais connus.» «Les belles brocantes dépendent des vendeurs» tranche Jean-Noël avant de rappeler qu’il piste depuis des années les vieux Paris-Match. Quant à la bonne technique qui garantirait de trouver le Graal, Corentin avoue ne pas en avoir. «On arrive très tôt au moment où les vendeurs déballent» consent-il comme s’il divulguait un secret d’État. «C’est rare de revenir bredouille» maintient de toute façon Anthony, sourire radieux sur le visage et lampe à pétrole en main.