Jacques a dit lève le pouce

La Mad Jacques attend 3000 participants début octobre dans la Creuse

par Nicolas Tavarès

Chaque année depuis 2017, de joyeux autostoppeurs traversent l’Indre, entre autres, à destination de Chéniers (Creuse) où l’arrivée de la Mad Jacques leur garantit un choc des cultures. L’aventure est au bout du chemin. À Chéniers, bourg creusois de 578 âmes selon le dernier recensement. Si tu sais lever le pouce, si tu es persuadé qu’avec un binôme tu pourras trouver Chéniers plus vite que les autres et si tu veux terminer ton périple par un festival estampillé musique et terroir, alors la Mad Jacques est faite pour toi. Qui plus est si tu coches la case « jeune citadin âgé de 25 à 30 ans ».

«C’est le Pékin Express creusois» résume Vincent Drye, organisateur de l’épreuve. «C’est le projet d’une bande de potes qui s’est dit qu’il n’y avait pas besoin de partir loin pour vivre l’aventure. Pourquoi Chéniers ? On cherchait un point central pour des gens qui viendraient de Toulouse ou Lille. Des gens de l’association (Ça passe, Ça passe et son pendant événementiel, l’agence Davaï Davaï, ndlr) connaissaient la Creuse. Ce n’est certainement pas la première destination touristique en France, mais l’idée, c’était de faire voyager les gens là où ils n’iraient pas d’eux-mêmes. En plus, on savait que ce coin était beau.» Accueillant, aussi. Car la commune de Gilles Gaudon (lire par ailleurs) a dit banco lorsque Ça passe, Ça passe lui a fait part de son projet. «Le conseil municipal nous a tout de suite fait confiance, les services techniques s’y sont mis. Chéniers nous a aidé à progresser.»

L’édition initiale a d’ailleurs suffisamment marqué les esprits pour qu’en 2019, ils soient 2 500 à s’engager dans la course. «Cette année, on en attend 3 000» prévient Vincent qui a toutefois déplacé l’événement dans le temps pour les raisons que l’on sait. Très tôt, en effet, l’organisation a repoussé la Mad Jacques 2020 de juin à octobre (les 3 et 4), s’offrant ainsi le luxe d’envisager la tenue du festival avec toutes les précautions qu’impose le coronavirus. De Tours, Lille, Paris, Clermont, Nantes, Rennes, Toulouse – une dizaine de villes en tout -, les concurrents n’attendent plus que le signal du départ. «Même si ce n’est pas le but premier, il y a quand même une course. Le samedi 3 octobre, les équipes doivent s’élancer d’une des villes sélectionnées. Très tôt pour les Lillois, un peu moins pour les Clermontois. Le classement se fera à l’arrivée à Chéniers en fonction d’un ratio kilomètre/temps mis pour parcourir la distance. On a préparé des check-points et le principe, c’est de n’utiliser que le stop sans aucune limitation de véhicule.» La précision a son importance. Une équipe est ainsi déjà arrivée en bétaillère à cochons. Une autre a fait du…pénichestop. Il y a même eu de l’avion-stop avec halte sur l’aérodrome de Montluçon pour entamer le sprint final.

Péniche, avion ou bétaillère

Le vainqueur se voit remettre une invitation pour deux dans un restaurant sur une île bretonne. Un prix solidaire et écologique est également en jeu sans parler de l’atlas Michelin remis pour le plus grand détour. Mais l’ultime récompense, c’est Chéniers et un festival qui débute à la mi-journée le samedi et se prolonge toute la nuit. La programmation musicale ? Pas mal de groupes indépendants dans tous les styles grâce au partenariat avec le Ricard Live Music. «On aime aussi le mélange des genres, insiste Vincent Drye. La Mad Jacques est faite pour casser les préjugés entre jeunes citadins et moins jeunes habitants du village. C’est un mix de festival branchouille et de fête de village.»

Marché du terroir et ateliers de vieux métiers côtoient ainsi concerts (5 scènes sont montées) ou conférences autour de vrais baroudeurs. Antoine de Maximy ou les deux compères de Nus et Culottés sont déjà venus à Chéniers. Ils y reviendront sans doute un jour. En tout cas, l’association Ça passe, Ça passe fait tout pour qu’un maximum de monde devienne creusois le temps d’un week-end. «Le festival est ouvert à tous les gens des alentours. L’entrée c’est 12 € (billets uniquement en vente dans les offices de tourisme de la Creuse, ndlr) pour ceux qui ne font pas la course. Mais une fois que les équipes rentrent dans ce qu’on appelle le Triangle de la Mort, dans les 40 derniers kilomètres, elles ont le droit d’inviter gratuitement leur dernier chauffeur.» Et voilà comment des gens de La Châtre, de Châteauroux ou de Vierzon se sont retrouvés embringués dans la Mad Jacques, invités par une Jacquotte ou un Jacquot en vadrouille.

Gilles, maire et Jacquot numéro un


À Chéniers, s’il y a un homme heureux, c’est bien Gilles Gaudon, le maire. S’il reconnaît ne pas avoir gardé un souvenir particulier de sa première rencontre avec les organisateurs de la Mad Jacques, il se rappelle, en revanche, «qu’on a tout de suite compris qu’il fallait jouer le jeu. Et on ne les a surtout pas pris pour des fous. Oui, c’est vrai, ça « picole », mais ce n’est pas du grand n’importe quoi, les participants savent se tenir. Et pour nous, en accueillir plus de 2 500 l’an dernier a été tout simplement extraordinaire.» Aujourd’hui, les collectivités suivent «et Creuse Tourisme a pris la Mad Jacques comme un très bon vecteur touristique», commente l’élu. À l’heure du Covid-19, il ne cache pas son inquiétude pour l’édition 2020, «mais la Mad Jacques se déroule sur un terrain de 10 hectares de chaque côté de la Petite Creuse. Les gens ne seront pas collés.» Et ses administrés se préparent même à jouer les Saint-Bernard pour aller récupérer les derniers auto-stoppeurs englués dans le Triangle de la Mort : «C’est devenu un jeu d’aller vers La Châtre, Châteauroux ou La Souterraine avec l’espoir d’en trouver sur le bord de la route !»

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