Le taxiway motel affiche complet

Visite dans les coulisses (bien remplies) de l’aéroport Marcel-Dassault

par Nicolas Tavarès

Dès le début de la crise sanitaire, l’aéroport de Châteauroux-Déols s’est transformé en plaque tournante du trafic aérien en France.

Le Bourget n’a qu’à bien se tenir. Cette année, le dernier salon où l’on cause aéronautique, c’est l’aéroport Marcel-Dassault de Châteauroux-Déols. Demandez leurs avis aux spotters, ces passionnés d’aviation qui figent et répertorient le moindre fuselage qui passe à portée d’appareil photo ; depuis avril, ils frisent l’overdose de dérives. Tous les grands médias nationaux se sont rués sur le site pour comprendre comment « ce petit aéroport de province » (sic) avait bien pu faire pour s’attirer les faveurs d’autant de compagnies aériennes, notamment la British Airways, en quête d’un abri longue durée pour leur flotte. Sans parler du pont aérien sanitaire qui s’est improvisé presque 24 heures sur 24 au plus chaud de la crise.

Sur sa fiche de poste, Didier Lefresne, nommé directeur du site au 1er janvier dernier n’avait sans doute pas remarqué qu’il signait également pour une option « guide ». Mais l’homme s’y est résolu de bonne grâce, quand son planning le lui permettait, pour promener les télés sur le tarmac ou dans les hangars des sous-traitants à la maintenance. «Nous n’avons pas cherché à profiter de la crise. On nous a sollicités, nous avons simplement répondu.» Spécialisé dans le fret et l’entraînement, l’aéroport Marcel-Dassault sortait d’un hiver douloureux, quand le trafic passager estival a disparu du paysage. «En janvier, ça a été une véritable douche froide», admet Didier Lefresne, se souvenant du recentrage de la compagnie Hop, prestataire de la liaison vers Ajaccio.

Et puis la crise du coronavirus est donc arrivée. «Une semaine après le début, nous avons été sollicité pour assurer le fret sanitaire. La raison est simple : du fait de son positionnement géographique, Châteauroux permet de dispatcher plus facilement. Nous n’étions pas les seuls en France, il y avait également Vatry (dans la Marne, ndlr). D’un coup, notre activité a triplé. En moyenne, nous recevions deux ou trois avions de fret sanitaire par jour.» Les Iliouchine 76, Antonov 124, Boeing 777 se succèdent alors dans le ciel castelroussin, venant de Chine ou d’ailleurs et débarquant masques, blouses, gants… Dans la foulée, certaines compagnies ont cherché des solutions de stockage pour leurs longs-couriers, les grands aéroports internationaux n’étant pas équipés pour le stationnement prolongé.

Avions en pension complète

Didier Lefresne n’en fait pas secret, l’offre commerciale indrienne a fait la différence. Certes, Airbus louait déjà depuis 2019 quelque 26 emplacements à l’année, mais les équipes locales ont agencé le taxiway pour faire de la place. Peu à peu, Air Asia, EgyptAir ou Hong Kong Airlines sont venus poser leurs avions en pension complète. Mais le meilleur restait à venir : onze des douze A380 de la British Airways (lire ci-dessous). Un régal pour les curieux qui continuent de se presser le long de la clôture près de laquelle les bébés s’alignent pour encore quelques mois. Les « vacanciers » sont choyés, la maintenance est assurée au quotidien. Leur présence impose toutefois quelques aménagements. Site d’entraînement réputé, Châteauroux va retrouver ses habituels clients qui vont réactiver leur planning de « touch and go ». Didier Lefresne : «En juin, nous avons présenté une offre commerciale de relance à Air France, Easy Jet ou Lufthansa, parce que les simulateurs vont finir par être saturés et que la réglementation impose des heures de vol aux pilotes.»

Bien qu’il soit fermé au public pour les raisons que l’on imagine aisément, l’aéroport Marcel-Dassault risque fort d’être un spot très prisé des touristes tout au long de l’été. Ce n’est pas tous les ans que l’aviation mondiale fait salon en Berry.

La crème anglaise

Ce sont les liens forts entre la compagnie aérienne British Airways et l’aéroport Marcel-Dassault qui valent à ce dernier d’accueillir 11 des 12 A380 britanniques. «En 2013, British Airways était venu effectuer les entraînements de son premier A380. La compagnie est ensuite revenue avec des machines plus petites, raconte Didier Lefresne. Dès le début de la crise sanitaire, British Airways s’est signalée pour envisager le stockage de sa flotte. Nous leur avions d’abord affecté sept places sur le taxiway pour des questions évidentes d’encombrement. D’autres compagnies s’étaient positionnées, mais sans donner suite.» Un geste commercial pour l’accueil d’un Airbus A319 (qui amène l’équipe de maintenance deux fois par semaine) a fait pencher la balance. C’est ainsi que l’Indre peut profiter de l’alignement parfait de onze dérives en bordure de piste.

Rechercher
X