Les médiathèques dans la hype
Petites ou grandes, les bibliothèques évoluent et la fréquentation est en hausse
Par Nicolas Tavarès
Depuis quelques semaines, le Réseau des bibliothèques de Châteauroux (Équinoxe, Beaulieu, Saint-Jean) fait sa pub sur les colonnes Morris de la ville. « Haut Potentiel Culturel » s’étale en grosses lettres comme s’il s’agissait d’un label qualité. Avec ses 181893 références empruntables le pôle livres prend beaucoup de place, mais le catalogue des activités renvoie les bibliothèques d’antan à la préhistoire. En soi, qu’une ville de 42800 habitants dispose d’un tel outil n’a rien d’exceptionnel. Ce qui l’est un peu moins, c’est que sur tout le territoire indrien, les petites structures rivalisent elles aussi d’inventivité pour dynamiser leur médiathèque. Et la fréquentation s’en ressent.
Guidé par Sébastien Rahon, directeur du Réseau des Bibliothèques de Châteauroux, nous sommes partis à la (re)découverte de la médiathèque Équinoxe. Dans le même temps, nous avons braqué les projecteurs sur celle de la Maison de Bois à Moulins-sur-Céphons. D’un côté 8306m2 (la moitié ouverte au public) de rayonnages, auditorium, salle d’expositions, espaces d’études ; de l’autre une maison seigneuriale du XVe siècle réhabilitée en 2015 dans laquelle ont trouvé place 1700 ouvrages et qui a été fréquentée par 900 personnes en 2022. Précision, Moulins-sur-Céphons, c’est 300 habitants à l’année dans ce coin du Boischaut nord. Audrey Robert est la bibliothécaire de la Maison de Bois depuis 2017. Elle partage son temps avec la bibliothèque de Levroux.
Une maison seigneuriale
Mais c’est bien à Moulins-sur-Céphons qu’elle a trouvé un terrain d’expression à sa convenance. «L’animation fait partie du métier de bibliothécaire, pose-t-elle d’emblée. La Maison de Bois permettait de présenter des expositions. Nous en proposons donc à l’année ; elles durent généralement deux mois. Je fais appel à des artistes locaux. Parfois la Bibliothèque Départementale de l’Indre nous prête des expositions itinérantes.» Peinture, photographie, gravure se déclinent sur les murs. Mais Audrey Robert ne s’arrête pas en si bon chemin.
«Nous organisons beaucoup d’ateliers créatifs ; nous travaillons avec le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement Brenne Berry. Un animateur vient pour accompagner des promenades découvertes. Il y a également des animations sur le climat, l’eau, la fabrication de produits cosmétiques au naturel…» Aux beaux jours, il y a même des concerts en extérieur. «Les animations font venir du monde. Les vacanciers, eux, viennent pour les expos. Nous allons donc continuer sur cet élan en 2024. Le programme du premier semestre verra de nouveaux concerts, des vernissages d’expositions. Il faut dire que le lieu est sympathique. Et tout est gratuit !»
Retour à Châteauroux où les statistiques de fréquentation depuis quatre ans parlent d’elles-même : 100681 visiteurs en 2020, 121746 (2021), 145202 (2022), 151618 (2023). «Nous ne sommes pas encore revenus aux chiffres de 2019 (152616), mais le regain est évident.» Difficile toutefois de dresser un portrait-type du visiteur ; Sébastien Rahon note cependant «qu’il y a un mix entre les habitués et les élèves qui viennent faire leurs devoirs. Le mercredi, pendant que les cours du conservatoire tournent à plein régime, on voit des parents qui patientent à la médiathèque. D’autres viennent régulièrement pour simplement lire la presse…»
Des livres offerts
La médiathèque de Châteauroux a certes augmenté son activité et développé des pôles (jeunesse, adultes presse, musique-cinéma-ressources numériques, relation aux usagers), mais l’explication de la hausse de fréquentation se niche ailleurs. «En décembre, nous avons lancé une opération Pass’Culture pour les jeunes dans la continuité du plan de relance national des bibliothèques initié par le ministère de la Culture. Il vise à ramener les gens, et notamment les jeunes, dans une bibliothèque. J’ai soumis l’idée de leur offrir un livre. Une sorte d’opération coup de poing qui devait se dérouler jusqu’au 31 décembre, mais que nous avons prolongé.»
Les livres ne sont pas le seul point d’intérêt de l’établissement castelroussin tant les animations sont nombreuses (et gratuites que l’on soit abonné ou non). «Nous avons relancé le prêt de disques vinyles qui avait été arrêté il y a 20 ans. Nous avons également un conseiller numérique sur place qui anime des ateliers ou des formations individuelles. Le gros de notre activité, c’est d’accueillir les écoles soit dans le cadre d’animations, soit pour l’emprunt de livres.»
En 2024 un axe de développement semble tout trouvé pour devenir une année grand cru. Au printemps, la médiathèque sera prise dans la spirale des Jeux Olympiques avec un cycle « En attendant les Jeux » qui donnera lieu à une succession d’animations sur le sport. Randonnée littéraire dans la ville, espace de tir interactif, exposition d’objets sportifs prêtés par la population : autant d’actions initiées par les équipes du Réseau des bibliothèques et appelées à aller au devant d’un franc succès. À Moulins-sur-Céphons, la pose d’une colonne Morris n’est pas encore programmée. En revanche, Audrey Robert acceptera volontiers le statut de Haut Potentiel Culturel pour la médiathèque de la Maison de Bois. À son échelle, elle le mérite.