Ça va Kom un mardi en Berry

Entrepreneur dans l’âme, Komlavi Dadzie revisite les provinces

par Nicolas Tavarès

Le Franco-Togolais s’épanouit dans l’Indre. Itinéraire d’un enfant de Lomé qui se voyait politicien mais a désormais basculé dans la confection.

Sans ce large sourire qui lui barre continuellement le visage, Komlavi Dadzie ne serait pas lui-même. C’est un peu sa marque de fabrique mais ne le répétez pas, il est capable d’en faire un concept. Né à Lomé (Togo) il y a 37 ans, Komlavi arrive en France à l’âge de 13 ans afin d’y poursuivre ses études. Le bac en poche, il tente la prépa Sciences Po avec un objectif avoué : «Faire de la politique. Pas en France, mais chez moi au Togo pour tenter d’améliorer les choses.» Sauf que Sciences Po se refuse à lui. Par trois fois! Alors tant pis pour le plan de carrière ; en route pour la fac d’Histoire. Nous sommes en 2008. Il ne le sait pas encore, mais ce virage dans les études va lui ouvrir de nouvelles perspectives. Professionnelles celles-là.

«Un de mes camarades de fac originaire de Châteauroux voulait y ouvrir une boutique de décoration ethnique. Il m’a demandé de l’aider. On a tenu un an. Nous étions jeunes, on ne savait pas gérer une affaire. Mais ça a été une bonne expérience.» Et l’Indre a gagné un nouvel habitant. «Pendant dix ans, j’ai connu le speed de Paris. Le calme du Berry m’a plu.» Sa première fille y verra d’ailleurs le jour. Deux autres ont suivi. «Après la boutique de déco, il a fallu trouver du boulot. Je suis devenu téléconseiller chez Armatis.» Komlavi – qui signifie mardi en langue Éwé – va passer huit ans dans la structure avant d’en sortir manager. «Les centres d’appel n’ont pas vraiment bonne presse, mais c’est formateur. Là encore, j’en retiens une très bonne expérience. Il faut toujours tirer le positif des choses.»

Un groupe, trois associés

Tirer le positif et se rendre à l’évidence : Komlavi aspire à monter sa propre affaire. Pris de passion pour la photo, il installe son studio dans la périphérie castelroussine. «C’est là que j’ai créé Smile Box (une borne photo pour l’événementiel, ndlr). Je n’ai rien inventé, ça existait déjà. Je n’ai fait que l’adapter à l’Indre.» Et puisqu’il n’a pas les deux pieds dans le même sabot, Kom’ va forcer l’allure. À Smile Box s’ajoute bientôt We Are Evolution née de son association avec Flavien Alexandre et Olivier Blonsard et qui se compose de Wevolution (agence de recrutement et marque employeur) et de MeMedia (agence de production audiovisuelle). Mais la pandémie va changer en partie la trajectoire professionnelle de Komlavi. Avec cette question existentielle : une marque de vêtements peut-elle voir le jour dans un panier de fruits et légumes fermiers ? Évidemment, la naissance de « Ma Province » et sa gamme de sweats, tee-shirts, chaussettes et tote-bag estampillés Berry est ici résumée dans ses très grandes lignes.

Grâce au Drive fermier

Son promoteur rejoue la genèse du projet avec d’autres mots : «L’idée est née pendant le confinement. Avec Manon, ma femme, on se faisait livrer fruits et légumes grâce au Drive fermier. On s’est rendu compte que les gens adhéraient à ce côté produit en local. Notre réflexion a fait son chemin et on s’est dit: « Pourquoi ne pas faire des vêtements sur le même principe ? » Ma chance, c’est d’avoir pas mal de connexions avec des gens que j’ai rencontrés par le biais de MeMedia.» Un prototype de tee-shirt est donc fabriqué, barré de la mention « Made in Berry ». Il servira à démarcher les banques.

Les conseils de ses proches l’inciteront en revanche à balayer l’anglicisme au profit d’une gamme où toute la famille se retrouve. « Papa Berrichon », « Maman Berrichonne », « Princesse Berrichonne » et « Jeune Berrichon » propulsent la marque. « Agir », association d’insertion professionnelle basée à Châteauroux ou « Maille Berry », fabrique de pulls en laine mérinos française à Bouesse lui avaient renvoyé un écho favorable, ses vêtements seront donc fabriqués dans l’Indre.

«J’étais sûr de mon coup. L’idée d’appartenance au Berry était là ; il fallait l’affirmer. Avant le COVID, ce projet aurait fait un flop.» En mai 2021, quand sortent les premiers produits, Komlavi cherche (et trouve) ses points de diffusion qui complèteront son site internet. Les réseaux sociaux vont faire le reste grâce, notamment, au footballeur Romain Grange qui va jouer les ambassadeurs. Une fois encore, tout s’accélère. «Le Berry a été bouclé en un an puisque Bourges a maintenant sa propre collection.» Tours est l’étape suivante (lire par ailleurs) et lors du récent salon Made in France à Paris, Komlavi a croisé Guillaume Gibault, PDG de « Le Slip Français ». Il n’y a jamais de hasard.

«J’ai besoin d’un moteur. On m’a déjà sollicité pour reprendre « Ma Province« . Je ne sais pas si je suis prêts à lâcher. C’est comme ma vie dans le Berry, j’y suis encore pour longtemps. Mais à la retraite, ce sera au Togo! Ça me manque trop. Et ce ne sera pas pour faire de la politique. On peut aussi aider son pays autrement, économiquement.» Il a sa petite idée en tête ; c’est comme cela quand on a le business dans la peau…

Place à la Touraine

«En 2023, nous allons implanter le concept « Ma Province » en Touraine. Ce ne sera pas un copier/coller du Berry. À moi de m’adapter aux codes tourangeaux. Il faut avoir le bon produit et je vais travailler avec un diffuseur. Là, j’arrive dans la cour des grands…» Komlavi Dadzie mettant un point d’honneur à ne faire que du made in France et indrien de préférence, il devra toutefois en appeler à un savoir-faire stéphanois pour la nouvelle gamme running en approche.

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