Camille Girard plein écran

À l’Apollo déserté par le public, le programmateur attend son heure

par Nicolas Tavarès

Le cinéma l’Apollo est fermé depuis octobre. Une éternité pour Camille Girard, responsable de l’activité cinéma à Équinoxe-La Scène nationale de Châteauroux.

«Quand nous serons autorisés à refaire notre boulot, ça va être une véritable explosion !» Le regard de Camille Girard s’illumine. Si la fermeture de l’Apollo pour cause de Covid ne le retenait pas, le programmateur du cinéma castelroussin serait à deux doigts d’enfourcher le tigre, selon l’expression consacrée. Sauf que depuis presqu’un an, le responsable de l’activité cinéma d’Équinoxe-La Scène nationale va de confinement en reconfinement. «Cette année particulière a dilaté le temps. Le risque, dans ce contexte, était de turbiner à vide, mais ça n’a pas été le cas. Nous avons pu préparer les 100 ans de l’Apollo en septembre ; maintenant Retours vers le Futur.» Comme d’autres acteurs de la culture, Camille a évidemment été blackboulé par les évènements, mais il déborde d’énergie à l’approche de jours meilleurs. En février, peut-être. Plus sûrement en mars… «J’ai beaucoup de projets et beaucoup d’envies. D’autant que l’on doit montrer que l’on est capable de se réinventer !»

Ces derniers mois, avec toute l’équipe de l’Apollo, il a fait du rangement, trié les vieilles affiches dont personne ne s’occupe en temps normal. «J’ai également participé à des festivals digitalisés, j’ai vu beaucoup de films sur mon ordinateur.» Mais rien qui ne soit aussi fort que retrouver, pour longtemps, le rythme de croisière d’une salle de cinéma d’art et essai. Car celui qui a rejoint les lieux en 2017 pour une pige, n’en a pas fini avec sa passion. «Le Covid a eu un impact évident sur la manière de travailler, mais également sur la manière de consommer les films. L’offre a été facilitée par les plateformes de streaming. Désormais il va falloir amener une vraie plus-value et aller chercher le spectateur par la main.» Où il est question de renforcer les moments de rencontre et d’appuyer sur le lien social. Pour quelqu’un qui a toujours navigué entre social et culturel, la tâche n’est pas insurmontable. Mais elle sera prenante. Passionnante aussi.

Des festivals digitalisés

Camille Girard est né Tourangeau voici 45 ans. Il se revendique plus que tout ligérien. Mais installé à Châteauroux depuis une dizaine d’années, il a maintenant des yeux de Chimène pour sa terre d’adoption : «J’ai découvert une ville qui n’était pas aimable au premier regard. Mais dès que tu grattes, le lien devient fort.» Ses deux filles nées castelroussines l’ont sans doute poussé à apprécier plus que de raison la douceur de vivre berrichonne. «Ici, la sérénité et la cohérence s’offrent à toi.»

Avant de se poser devant le grand écran de l’Apollo, Camille Girard s’est longtemps cherché. «Beaucoup de gens évoluant dans le monde du cinéma ont souvent suivi un parcours particulier, un peu atypique. Ça a été mon cas.» Pendant six ans, il intègre l’équipe d’encadrement de la clinique de Chailles, près de Blois, plus connue sous le nom de La Chesnaie et fondée sur le socle théorique de la psychothérapie institutionnelle. «Là-bas, on change de fonction tous les quatre mois. Un jour tu prépares les repas, un autre tu gères la pharmacie ou tu fais le ménage. J’y ai appris tous les métiers du monde. Mais à un moment, soit j’y passais toute ma vie, soit j’affrontais vraiment la société. Ça ne passerait que par un média qui servirait la culture.» Vous devinez la suite.

C’est toutefois par un ultime chemin de traverse, un CAP de projectionniste, que Camille Girard va faire son cinéma. «Je me suis occupé d’un cinéma itinérant dans le Cher pendant une dizaine d’années. Tu partais avec la camionnette, tu arrivais dans une salle qui n’était pas faite pour une projection. C’était un bordel continu !» Un bonheur enrichissant en fait. «Parfois, dans certains villages, on avait parfois plus de spectateurs que d’habitants. C’était le dernier espace où les gens se rencontraient. Ce n’était pas une expérience classique du cinéma, mais il y avait une dimension sociale.» Châteauroux s’invite alors dans l’histoire.

Camille oeuvre quelques temps dans une institution pour enfants autistes, écrit deux livres sur « E.T. » – «un film qui m’a marqué à l’enfance et qui en recouvre certainement un autre qui m’a traumatisé: « Nuit et Brouillard »» – et « Ernest et Célestine ». Il en fera des conférences à travers la France, intervenant même au Mexique dans le cadre d’une mission pour l’Institut français : «Je ne suis pas un universitaire, mais j’ai toujours écrit, participé à des travaux de réflexion. On m’a également demandé de réaliser une étude sur l’état du cinéma au sein des scènes nationales.» Le voilà donc au coeur du réacteur, heureux de profiter de la synergie entre spectacle vivant et cinéma, réunis en une même entité «dans laquelle on peut se permettre d’être plus qu’un cinéma en faisant de la création.» Il faudra juste qu’on rouvre les salles.

Faites entrer Desplechin


Camille Girard est un inconditionnel d’Arnaud Depleschin. Apprendre que le cinéaste est pressenti au festival Retours vers le Futur (du 23 au 30 mars) n’est à proprement pas parler un hasard, surtout lorsque l’on sait que la grande scène Équinoxe accueillera l’adaptation théâtrale de « Un conte de Noël » (24 & 25 mars), film de Depleschin brillamment mis en scène par Julie Deliquet. Camille Girard met en tout cas la main à une édition remaniée par le Covid. Celle de 2020 n’avait pas eu lieu, tombée au champ d’honneur du confinement; le cru 2021 a dû revoir sa thématique initiale – « Gastronomie, vin et repas de famille » – au profit d’une « Affaire de famille » plus covidocompatible, elle.

Rechercher
X