Couple à la ville et à la danse

Focus sur Delphine et Jérôme Piatka au cœur de leur école

par Nicolas Tavarès

Delphine et Jérôme Piatka, professeurs au Centre Académique de Danse, ont, comme tous les acteurs du milieu, subi la crise sanitaire. Ils font preuve d’une certaine philosophie face à la situation.

Est-ce que la danse fait les fesses solides ? Question hautement existentielle à laquelle Jérôme Piatka apportera sa réponse à qui voudra bien l’entendre. Pour le trouver et vérifier sur pièce, adressez-vous au Centre Académique de Danse (CAD) à Châteauroux. Avant le COVID, l’école castelroussine dirigée par Delphine, l’épouse de Jérôme, accueillait jusqu’à 300 élèves. «Il faudra trois ou quatre ans pour en retrouver autant, se navre Delphine. Et puis la danse n’a pas la chance de disposer de la vitrine des Jeux Olympiques…» En même temps, Delphine et Jérôme ne courent pas après les médailles.

Ils tendent plutôt vers un enseignement où le danseur s’épanouira. Sauf que depuis plus de 18 mois on leur a surtout demandé de se réinventer plutôt que d’enseigner leur art. Ils s’y sont résolus, malgré les incohérences administratives. Ils ont échangé avec leurs voisins des autres écoles castelroussines aussi. Et les voilà, patientant à l’heure de la reprise des cours au 27, rue Beauchef où Delphine est comme chez elle. «J’ai racheté l’école en 2009. La directrice partait en retraite. Elle s’est tournée vers ses anciennes élèves diplômées. Avec Jérôme, nous avons réfléchi 15 jours puis nous nous sommes dit que ce serait la plus belle des reconversions.»

Le couple Piatka vit alors à Lyon. Jérôme mettra deux ans avant de rejoindre Châteauroux «et pour moi ce n’était surtout pas une reconversion, mais plutôt une poursuite de carrière. J’avais du mal à m’imaginer dans une compagnie alors que j’aime à la fois faire des créations, prendre des cours et danser pour les autres!» Il convient ici d’ouvrir une parenthèse pour remettre l’histoire dans son contexte.

Né à Annecy dans une famille de montagnards, Jérôme (36 ans) n’échappe évidemment pas à la passion des siens. «Aujourd’hui encore, j’essaye de créer des liens avec la montagne. Quand tu regardes une voie et les gestes que tu y fais pour la franchir, qu’ils ont une certaine esthétique, c’est hyper parlant pour un danseur.» C’est à 13 ou 14 ans qu’il découvre un spectacle de l’Opéra de Lyon : «Je suis resté scotché.» Le voilà happé par la danse jusqu’à intégrer l’école de l’Opéra de Paris.

Petit rat de l’Opéra

«J’ai été petit rat pendant 4 ans et diplômé en 2003 puis j’ai rejoint l’Opéra de Lyon. J’avais envie de découvrir autre chose et je voulais me diriger vers une compagnie de danse contemporaine.» En 2006 il croise Delphine. Ils se marieront cinq ans plus tard, leur projet de vie, on s’en doute, ne tournant qu’autour de la danse. Pour Delphine, ça l’a prise très tôt : «J’ai commencé à 4 ans au CAD, rappelle Delphine. Puis j’ai intégré l’EPSE Danse à Montpellier. J’avais Anne-Marie Porras pour professeur, une habituée de Darc. J’ai passé mon diplôme d’État de professeur. Je peux même dire qu’il est signé par Didier Deschamps.» Info vérifiée sur pièce, mais rien à voir, évidemment, avec le sélectionneur des Bleus. Fin de la parenthèse et retour au direct sur le parquet de la rue Beauchef.

Ce jour-là, Delphine et Jérôme peaufinent les réglages en vue de la rentrée. Ils révisent la réglementation du pass sanitaire et attendent leurs élèves non sans une certaine impatience. Delphine : «Nous ne les avons pas vu de mars à septembre 2020.» L’éclaircie viendra en mars dernier avec les premiers cours distillés en extérieur, sous le hangar attenant à la salle de danse.

«Le Ministère de la Culture n’avait autorisé les cours de danse que pour les conservatoires, pas les structures privées. Puis le Ministère des Sports a bougé les lignes et nous avons été assimilés à une pratique sportive, donc autorisée en extérieur.» Situation ubuesque qui userait n’importe quel professeur de danse normalement constitué. «Pendant le premier confinement, nous nous étions demandés si nous allions continuer notre activité.» Jérôme poursuit : «Nous nous sommes réinventés. On devra encore s’adapter pendant plusieurs mois. On le fera en faisant vivre certains outils du confinement qui peuvent parfaitement soutenir une pédagogie.»

Delphine en a profité pour préparer un Diplôme d’État de danse classique et «continuer à explorer notre métier.» Donnant ainsi tout son sens au Centre Académique de Danse : «Un lieu de curiosité, d’émulation, de partage.»

Expérimentation

Jérôme, Delphine et Cécilia S. veulent créer des passerelles artistiques

Le Chauffoir, lieu culturel co géré par Cécilia S., Niko, Guigui et Francis Labbaye ouvrira bientôt ses portes rue Bernardin à Châteauroux. Mais des projets ont été imaginés en amont et ils ne tarderont pas à se concrétiser. «Le Chauffoir se veut un lieu de partage et de rencontres, souligne Cécilia qui suit les cours du CAD. J’ai eu l’occasion d’assister à des conférences sur la danse animées par Jérôme et Delphine. J’aimerais bien qu’ils viennent proposer des ateliers au Chauffoir pour mettre en place un travail commun et discuter, chercher, expérimenter!» Delphine, elle, envisage d’aménager «un cursus plus complet pour nos élèves.» On avait demandé aux artistes de se réinventer. Message apparemment reçu!

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