Gerbaud, docteur ès sport

L’Issoldunois est le médecin du CSP Limoges et l’équipe de France de cyclisme

par Nicolas Tavarès

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Guillaume Gerbaud est aujourd’hui le médecin attitré des basketteurs limougeauds et des Alaphilippe, Pinot ou Bardet lorsqu’ils évoluent en équipe de France.

Accroché au mur, le maillot du CSP Limoges. Sur un autre pan, le poster des championnats du monde de cyclisme 2018 à Innsbruck. Il est dédicacé par Romain Bardet, Julian Alpahilippe, Thibaut Pinot et quelques autres tricolores. À côté, des photos souvenirs. On y découvre Alaphilippe, encore, ou Laurent Jalabert. Guillaume Gerbaud pose à leurs côtés avec le sourire qu’il a généreux. On pourrait se croire dans une chambre d’ado fan de sport. Sauf que l’adolescent en question n’en est plus un depuis longtemps. Il a aujourd’hui 30 ans, est marié, papa d’une petite Charlotte, est médecin, et que nous sommes dans son cabinet de la clinique Chénieux à Limoges. Au pôle Médisport pour être plus précis. La chose a son importance : là est son royaume.

Médecin du sport, spécialiste de l’échographie de l’appareil locomoteur et en traumatologie du sport, ancien assistant du CHU de Limoges et de l’Insep à Paris… Sa carte de visite en béton déroule les titres mais deux lignes sortent du lot : CSP Limoges et équipe de France de cyclisme! «Obsessionnel» comme il se définit lui-même, l’enfant d’Issoudun s’est composé un quotidien où les heures sont à rallonge. Consultations, tests à l’effort, accompagnement des basketteurs du CSP, des pros de l’équipe de France de cyclisme (route et cyclo-cross), suivi régulier de pilotes, de judokas, d’athlètes ou de rugbymen sans oublier ses patients lambdas. Son agenda est celui d’un ministre et pourtant Guillaume parvient encore à y caser ses séances d’entraînement de cycliste élite… Puncheur dans les pelotons, il l’est aussi dans la vie de tous les jours. Le caractère est bien trempé, l’avis souvent tranché. Durant ses études de médecine, ses professeurs ont découvert la volonté du bonhomme.

Convalescent lors de sa première année qu’il a doublé (lire ci-dessous), il dépose un dossier pour concilier cursus et compétition. «Le Doyen n’a même pas voulu ouvrir le dossier, mais il a bien voulu m’écouter. Il m’a dit : « On ne peut pas devenir médecin sans travailler » Guillaume obtiendra pourtant gain de cause, démontrant même le contraire au Doyen en ne manquant pas la moindre demi-journée de cours. Ses notes ne descendront jamais en-dessous de la moyenne. «Si ce n’est un 0 pointé sur un dossier de cardiologie où  je n’ai pas réussi à me décider entre deux diagnostics que j’avais pourtant parfaitement détaillés. En 6e année, pour le concours d’internat j’ai compté 60 jours de course!» La présentation de son mémoire sur la médecine du sportif lui vaudra les félicitations du jury.

Formé à la thérapie brève

«J’ai fait le choix d’être généraliste et je suis titulaire d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires. Nous ne sommes qu’une vingtaine à exercer en France avec ce DESC.» C’est à ce prix que se fait une réputation : «J’ai une très forte induction sur mes patients. J’ai été formé à la thérapie brève. Je travaille beaucoup là-dessus.» Son débit est rapide, ciselé, presque chirurgical. Son temps est compté, il lui faut donc être précis et constamment dans l’échange pour progresser. La suite de sa carrière, le docteur Gerbaud ne l’envisage pour le moment pas ailleurs que dans son cabinet. Il concède avoir eu des touches pour accompagner à plein temps des équipes cyclistes professionnelles, mais «quitter mon cabinet, c’est le risque de perdre mon savoir. Sans doute mettrai-je un pied dans le vélo, mais pour le moment je ne me sens pas prêt à ça…»

La nuit est tombée sur Limoges. Les couloirs de la clinique Chénieux sont désertés. Guillaume Gerbaud ferme son cabinet. Il faut filer vers Beaublanc où le CSP reçoit le Tofas Bursa en Eurocoupe. Les joueurs lui chauffent déjà sa place sur le banc.

Passé si près du drame


Dresser le portrait de Guillaume Gerbaud, c’est évidemment évoquer le cyclisme, son sport de prédilection. S’il lui a apporté beaucoup, il a aussi failli tout lui reprendre en un claquement de doigt. Licencié à l’AC Bas-Berry Issoudun en cadet et junior, Guillaume Gerbaud s’est vite fait remarquer par des qualités de puncheur qui collaient à son gabarit de poche. En 2008, il quitte l’Indre pour découvrir l’élite avec le Blois CAC-41. Le 8 mars 2009, dans la Vienne Classic, il est victime d’un grave accident qui le laisse avec une fracture de la 8e vertèbre dorsale. Le pronostic est réservé, «je n’ai plus senti mes jambes pendant 24h. J’ai passé trois mois avec un corset alors que j’étais en 1re année de médecine. Ce que j’ai vécu a fait de moi un vieux avant l’âge. J’ai perdu 2cm de taille (1m70 aujourd’hui). J’ai pourtant repris à rouler en juin et la compétition, à Valençay, en juillet de la même année. Ce jour-là, un junior avait fait un numéro sans gagner : il s’appelait Julian Alaphilippe !» Revenu de nulle part, Guillaume portera ensuite les couleurs du Top 16-Charente, de Tulle et, depuis 2017, de l’UV Limoges. Toujours en élite et avec une vingtaine de succès au compteur et de belles places d’honneur à l’image du premier accessit dans le Trophée des Champions 2014 (vidéo) derrière le futur professionnel Nico Denz. «Mon accident et ses séquelles m’ont servi par la suite. Notamment à mieux comprendre les sportifs de haut-niveau que je reçois en consultation.»

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