Grand bleu sur l’horizon
La première promotion de la U19 Fenioux Formation a été présentée samedi 22 janvier. La famille du cyclisme indrien était au grand complet pour découvrir les meilleurs juniors réunis autour du projet. Et à défaut de fées, c’est Bernard Hinault qui s’est penché sur le berceau.
par Nicolas Tavarès
Pour sûr, il a de la gueule ce maillot de la U19 Fenioux Formation. Du bleu nuit au bleu azur, ses couleurs sont la promesse d’un jour nouveau qui se lève sur le cyclisme indrien. Oui, le paletot en impose. Le projet aussi. Pensée par Éric Hervouet et Nicolas Dubois, soutenue financièrement par Christian Fenioux, l’entrepreneur castelroussin qui voit là une occasion d’un baroud d’honneur avant la retraite, l’initiative avait d’abord reçu le soutien de tous les clubs du département (Carré Barré de décembre, ici) avant d’être dévoilée. Ces dirigeants de petits clubs formateurs, comme on dit communément, ont accepté d’envoyer leurs meilleurs juniors (lire plus bas) dans l’aventure avec la garantie qu’ils ne seraient pas lésés.
La philosophie de la U19 Fenioux Formation, sorte d’académie pour apprentis champions nourris au grain et élevés sous la mère dans la campagne berrichonne, n’a qu’un objectif : «Offrir à cette jeune génération un devenir cycliste en lui permettant de profiter d’un cadre pour que chaque coureur s’épanouisse» dixit Éric Hervouet, président de l’association Sport en Grand qui porte le dossier. En clair, Nicolas Dubois et lui ont trouvé le seul moyen d’éviter la fuite des cerveaux pédalants vers des contrées plus vertes. En guise de produit d’appel, l’académie leur accordera ponctuellement l’accès à des stages, programmes d’entraînements et courses de prestige dans toute la France et même au-delà si affinités, le tout sous le regard bienveillant d’un solide staff technique. «Nous venons d’être retenus au Grand Prix de Plouay junior en août prochain et actuellement, nous essayons de convaincre les organisateurs de nous prendre sur leurs épreuves.»
Donner du corps au projet
C’est dans ce contexte que la U19 Fenioux Formation a donc été présentée en grandes pompes samedi soir dans les locaux des Laboratoires Fenioux. Maillots dévoilés, paquetage remis aux coureurs, rencontres avec les élus et les partenaires, shooting photo pour investir les réseaux sociaux. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les petits plats ont été mis dans les grands. Mais être bien né dans les salons feutrés ne fait pas tout. Ce n’est que lorsque le maillot bleu de la sélection aura franchi en vainqueur une ligne d’arrivée ou qu’il aura glissé quelques-uns de ses pensionnaires sur un podium de prestige que tout le projet prendra définitivement corps.
Il y a toutefois des signaux qui ne trompent pas, ainsi, le Castelroussin Estevan Delaunay, Vélo d’Or cadet 2020, a-t-il reçu le feu vert des dirigeants de la réserve juniors d’Ag2r-Citroën à laquelle il appartient pour intégrer également l’académie indrienne en complément de son programme de courses. Le projet est donc crédible aux yeux des spécialistes et comme dirait Marc Sarreau, le sprinter de l’équipe Ag2r-Citroën, parrain de la promotion : «Les jeunes vont être mis dans de superbes dispositions. À eux, maintenant, de saisir l’opportunité !»
Il en est un autre qui a loué les mérites de la U19 Fenioux formation, c’est Bernard Hinault. Le dernier vainqueur français du Tour de France en 1985 – 37 ans ! – a joint l’utile à l’agréable lors de son court séjour dans l’Indre. Quelques parties de chasse avec Nicolas Dubois étaient au programme en plus d’être l’invité d’honneur de la soirée chez Christian Fenioux. En des termes choisis, le Blaireau a qualifié la U19 Fenioux Formation «d’idée géniale qui va inspirer d’autres départements.»
«Une selle dans le c…»
On connait le caractère entier du quintuple vainqueur de la Grande Boucle (1978, 1979, 1981, 1982, 1985). S’il s’est montré peu volubile au micro de Michel Malassenet, le présentateur de la soirée, il a abondé dans le sens de la U19 Fenioux Formation : «N’oublions pas que pendant un an, à cause du Covid, les gamins n’ont pas eu de courses. Il faut donc tout faire pour les accompagner. Seize coureurs dans la sélection ? C’est un bon nombre. Il suffit juste de leur faire un bon programme. Quand un projet marche bien, ça attire forcément d’autres jeunes. C’est une locomotive. Maintenant, je comprends l’idée de vouloir les garder le plus longtemps possible dans leur département, mais s’ils sont très bons, il y aura toujours de plus grosses structures pour venir les chercher!»
Consensuel le Blaireau. Il l’avait été beaucoup moins en préambule de la soirée, pour un aparté avec la presse locale. L’occasion de vérifier que chez le Breton, la langue est tout, sauf de bois. Et que lorsque l’ancien champion sort la sulfateuse, mieux vaut mettre le casque lourd et le gilet pare-balles. Alors qu’on lui demandait pourquoi il n’avait jamais pris en main une équipe après sa somptueuse carrière, Bernard Hinault est allé un peu plus loin dans l’idée qu’il se fait de la formation d’un coureur. «Si j’avais dû prendre des coureurs, ç’aurait été dès les cadets. Au-delà, ça ne m’intéresse pas ! Je ne pense pas qu’il y ait un manque dans la formation française. Déjà, si le coureur a un cœur lent et une VO2max énorme…»
«Mais aujourd’hui, si quelqu’un est capable de me donner le nom d’un Français en mesure de gagner le Tour de France, je me fais curé ! On a absolument aucun coureur de 19 ans qui tape dans cette catégorie. Et puis on leur fait beaucoup trop de cadeaux. Regardez les français qui marchent en ce moment (sans qu’il les nomme, on devine Alaphilippe, Cavagna, Sénéchal chez Deceuninck, Bardet chez DSM, Elissonde ou Bernard chez Trek, ndlr), ils sont tous à l’étranger. Ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas qu’ils se dopent, non ! C’est que l’état d’esprit est différent. Nous, on est quand même le pays qui compte le plus d’équipes pros. On en aurait seulement trois pour 200 coureurs, il n’y aurait pas de la place pour tout le monde. Il n’y a pas de secret, dans le vélo, si tu ne te mets pas la selle dans le cul, ça ne marche pas!»
Lancé, Hinault apparait beaucoup moins tendu à l’évocation de Julian Alaphilippe, l’un des rares à trouver grâce à ses yeux : «Je voudrais bien que le nouvel Alaphilippe sorte du projet de Nicolas Dubois. J’ai adoré son doublé dans le championnat du monde ; j’ai aimé sa victoire d’étape sur le Tour à Landerneau. J’avais vu de mes yeux le final, je me disais qu’en sortant ainsi à 1,7km il était impossible qu’il aille au bout. Par sa volonté, il me ressemble, il ne se pose pas de questions. Oui, ça nous manque des coureurs comme ça.»
Le Blaireau et les réseaux sociaux
Ceux d’aujourd’hui seraient donc un peu moins durs au mal qu’à son époque. Voire. En tout cas, il est un domaine où Bernard Hinault n’aurait absolument pas été à l’aise dans ce cyclisme moderne, c’est celui des réseaux sociaux devenus incontournables. Un peu plus tard dans la soirée, Éric Hervouet expliquera à l’assistance que les seize pensionnaires de la U19 Fenioux Formation ont aussi vocation à être des ambassadeurs du territoire indrien et qu’ils ont été sensibilisés à mettre en lumière le département sur Instagram, entre autres, partout où ils seront sous les couleurs de la sélection. Au-dessus du Blaireau, un ange est passé. «Les réseaux sociaux, pas sûr que j’aurais fait avec. Ce n’est absolument pas ma vie. Facebook je n’y suis pas. C’est quoi ce truc où tu racontes ta vie, où tu dis où tu es à telle heure et avec qui… J’entends des coureurs dire sur les réseaux qu’ils s’entraînent ? Tu le dis pas, tu y vas point final. Julian Alaphilippe est sur Strava par exemple. Mais même s’il est là-dessus, il s’entraîne à l’ancienne lui.»
Bernard Hinault est d’une autre époque et il assume parfaitement la chose, moins «surpris par le fait qu’il n’y ait toujours pas de Français qui gagne le Tour que par celui d’être encore populaire» aux yeux du grand public. Parmi les pensionnaires de l’académie, le Blancois Enzo Charluet, 16 ans, est fan «de Peter Sagan parce qu’il aime les sprints et que je suis sprinter. Mais Bernard Hinault, ça me parle quand même. Ça reste un grand coureur, le dernier français vainqueur du Tour. À l’époque, c’était une fierté pour la France. Gagner un jour le Tour ? Non j’imagine pas ça. Si un jour j’avais la chance de devenir professionnel, je serai plus attiré par les courses pour sprinters. Un Gand-Wevelgem par exemple…»
Samedi, Enzo Charluet et ses copains juniors ont présenté leur beau maillot bleu. La U19 Fenioux Formation est l’une des toutes premières marches dans la carrière et c’est dans l’Indre que les seize vont tenter de la franchir. Comme dirait Hinault, qu’on leur laisse maintenant la liberté de briller et de convaincre.
La promotion 2022
- US Argenton : Florian Gaillard
- VC Blancois : Enzo Charluet, Théo Barre
- ASPTT Châteauroux : Estevan Delaunay
- Châteauroux Métropole Cyclisme : Antonin Genty, Antoine Michaud, Matthéo Lecompte
- UC Châteauroux : Erwan Ginet, Pierrick Jamot
- ACBB Issoudun : Nathanaël Boutron, Aurélien Benoist, Arsène Hervouet, Gatien Sarron, Gabriel Coulondre, Bastien Péronny
- 4S Saint-Satur (Cher) : Jules Colas
- Président : Eric Hervouet
- Parrain : Marc Sarreau (photo)
- Coordinateur technique : Nicolas Dubois
- Assistants : David Fouchet et Christian Leroy
- Mécanicien : Dominique Méry
- Préparateur physique : Olivier Plancoulaine