Le domaine des possibles

Les barrières du handicap tombent
avec le Festival des Capables

par Nicolas Tavarès

Né dans le sillage de la chorale Vent d’Avril, le Festival des Capables (12-13 avril) transforme les personnes en situation de handicap en vedettes du show d’un soir.

Ils étaient arrivés à trois un matin de mars 2020. Ils étaient enthousiastes comme pas un, impatients aussi comme peuvent l’être des organisateurs quand la dernière ligne droite menant à l’événement est désormais entamée. Ils étaient trois, il y avait là Janou Favard, la trésorière, le secrétaire de l’époque et Monique Brunet, bénévole, tous membres de l’association des Capables qui venaient nous parler du festival du même nom qui se déroulerait quelques semaines plus tard. Le festival des Capables, un rendez-vous chaleureux qui fait tomber les différences et se sentir grandes les personnes en situation de handicap. Malheureusement, le COVID et son confinement en décidèrent autrement. Oubliés les deux jours d’ateliers et les deux soirées spectacle au château des Planches à Saint-Maur ; au repos forcé les 100 bénévoles et près de 250 stagiaires.

Deux ans plus tard, tout ce petit monde piaffe à nouveau d’impatience. Le cru 2022 est annoncé les 12 et 13 avril, accroché à l’espoir de ne pas être une fois encore perturbé par la pandémie. Car le festival, c’est une bulle de fraîcheur dans le paysage des personnes en situation de handicap. «Pendant les Capables, toutes les barrières tombent» raconte Monique, maman d’une jeune fille « différente » qui, comme tous les stagiaires, va se transcender : «Danser sur scène, ma fille ne voudrait surtout pas manquer ça !» Le rendez-vous est à ce point marquant que les organisateurs reconnaissent recevoir des candidatures de partout pour y participer. «Nous avons énormément de demandes de l’extérieur, lâche Janou. Limousin, Centre, Vienne… Les Capables, c’est ouvert, c’est national.»

Un après-midi pour se préparer

C’est réputé, aussi, comme en atteste le label « Tous concernés, tous mobilisés » décerné en 2020 par la Conférence nationale du handicap. «Nous avions présenté trois actions : la chorale Vent d’Avril (60 chanteurs) qui aura été le vecteur de toute l’organisation depuis le début, le passeport des Capables (lire par ailleurs) et le festival en lui-même, détaille Janou. Les trois actions ont été validées. Pour nous c’était une reconnaissance importante.»

Beaucoup de baume au coeur des organisateurs, surtout, qui donnent le la à la manifestation d’une manière bien particulière. Lorsque débute les Capables, les stagiaires se retrouvent en fait acteurs de leur propre spectacle, sur scène ou en coulisses. Pascal Collin, pour le premier jour, et Fanny Beunza, pour le show final, sont à la baguette. Ils observent et font en sortent qu’en un claquement de doigts, chacune des personnes en situation de handicap trouve sa place dans l’organisation. Pascal Collin : «Comme Fanny, je suis le metteur en scène de la soirée cabaret du premier jour. À 14 h les festivaliers arrivent, je leur pose des questions, je leur demande de quoi ils sont capables. Un me dira qu’il sait chanter, l’autre qu’elle aime faire de la gym. Il y a une sorte de casting, on part d’une feuille blanche et à 20 h, ils jouent le spectacle !»

L’animateur a souvent été surpris par les stagiaires : «Il y a six ans, j’en ai vu un arriver avec un chapeau de cow-boy. Lui, je savais déjà qu’il serait sur scène alors que tous ne vont pas y monter. Ils ont le trac, mais ils se dépassent littéralement. Ils ont de la rigueur, on sent que le spectacle est très important pour eux. Il y a vraiment des artistes.» Dans tous les domaines puisque les Capables, ce sont des ateliers peinture, décoration, confection, magie, danse, cirque, écriture, photographie ou sculpture. «Nous ne leur imposons rien, les stagiaires sont totalement libres. Il y a énormément de convivialité» insiste Monique Brunet. Une bonne humeur communicative qui fait dire à Janou Favard que le Festival pourrait même s’exporter au-delà des frontières de l’Indre. «Il existe un festival de ce genre à Aurillac, mais nous avons notre spécificité. Les ateliers, l’animation, tout ça peut effectivement être exporté ailleurs. Nous avons déjà des contacts en Touraine. Mais cela doit rester un moment pour se retrouver.» «Le festival des Capables ne doit surtout pas devenir une grosse machine» conclut Monique qui n’envisage pas que la machine ne soit pas en route cette année.

Passeport, indispensable sésame

Introduit en 2019, le passeport des Capables s’est imposé aussitôt comme un incontournable du festival. Janou Favard : «Une membre de Chanson d’Avril était partie en voyage à New-York. Elle avait un passeport et le tampon du visa. Ça l’a marquée. On s’est dit que les stagiaires faisaient plein de choses sans avoir de passeport officiel. C’était un moyen de montrer tout ce qu’ils font au quotidien ; pas seulement leurs loisirs, mais également ce qui touche à leurs compétences. Le passeport des Capables officialise leur participation au festival et les revalorise. Il est donc remis à chacun d’entre eux, mais aussi en amont, dans les centres où nous allons faire les répétitions. Ce bout de papier suscite un élan. Le coup de tampon de l’édition 2022 est très attendu et ça leur permet de se souvenir où ils sont allés.»

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