Lebeau et la folie olympique

Venu du foot, le nouveau directeur du CNTS vit une aventure incroyable

par Nicolas Tavarès

Passé par le Centre technique régional du football, Sébastien Lebeau s’est mis au tir en prenant la direction du CNTS. Quatre lettres synonyme d’horizon olympique.

À 46 ans, Sébastien Lebeau vit sans doute les plus belles heures de sa vie. Et dire que le meilleur est encore à venir. Sur son agenda sont déjà cochées deux dates : le samedi 27 juillet et le vendredi 30 août 2024. Elles marqueront le début des épreuves de tir olympiques puis paratir au Centre national de tir sportif (CNTS) à La Martinerie. Si l’info ne vous est pas encore arrivée aux oreilles, on vous la rappelle : l’Indre sera bien hôte des Jeux Olympiques dans deux ans. Une incongruité pour certains, une chance pour les autres.

Et pour Sébastien Lebeau, un Everest à gravir et des souvenirs impérissables à raconter plus tard à ses petits-enfants. «On vit un truc de fou, admet le directeur du centre. Moi-même, j’ai bien conscience que je fais subir beaucoup de choses à ma famille.»Stéphanie, son épouse, lui a heureusement donné sa bénédiction. «Elle a compris la tâche qui m’était demandée et elle l’accepte. Notre calendrier à nous, on ne le verra qu’en octobre 2024!» D’ici-là Sébastien Lebeau vivra au coeur du plus grand événement sportif planétaire. Inimaginable il y a encore un an de cela.

Décembre 2020, alors directeur du Centre technique régional de football (CTR) en périphérie de Châteauroux, il reçoit une délégation de la Fédération française de tir. «Nous travaillions ensemble depuis trois ans pour héberger des groupes lors des compétitions au CNTS. Lors d’une visite, on me demande si je serais intéressé pour prendre en main le site, le directeur partant en retraite. Deux mois plus tard, je rencontrais le président de la Fédération et on s’est vite mis d’accord.» Lebeau termine son cycle footballistique pour verser du côté du tir, une discipline qu’il ne connaît absolument pas. La gestion d’un centre sportif, en revanche, c’est son truc. Il a ainsi contribué au développement du CTR dont il était directeur depuis 2011. La page se tourne et tout va alors s’accélérer.

Sébastien Lebeau déroule le fil : «Le 3 janvier 2022, je suis au CNTS. Dans un premier temps, je veux comprendre la discipline. Le 6 janvier, le président de la Fédération m’appelle pour me préciser que le 12, Jean-Philippe Gatien, directeur des sports de Paris 2024, débarque avec une délégation. Ils viennent voir les installations pour savoir comment organiser un stand de tir avec le stand finales (récemment construit au CNTS, ndlr). En mars, on apprend du COJO (comité d’organisation des Jeux Olympiques, ndlr) que le CNTS est une possibilité de repli. En avril, il devient LA possibilité. La porte vient de se rouvrir. À partir de là, il a fallu travailler en sous-marin et systématiquement démentir jusqu’à l’annonce officielle en juillet.»

Avec Bijotat, champion olympique

Depuis l’attribution des épreuves de tir au département de l’Indre, Sébastien est entré dans une autre dimension. Bien loin de ses rêves de devenir footballeur professionnel quand il intégrait le sports études au FC Tours à 12 ans. «J’y suis resté jusqu’à mes 19 ans. J’ai eu une pubalgie, je me suis fait les croisés. Je n’avais pas les qualités pour passer pro. Comme je n’avais pas fait beaucoup d’études, je me suis lancé dans un brevet de football en apprentissage.»

En août 1997, l’apprenti se pose à Châteauroux en qualité d’éducateur à l’Institut du Football Régional. Il fait partie de l’équipe menée par Dominique Bijotat, champion olympique 1984. Le jeune éducateur deviendra le responsable du suivi scolaire du pôle espoir. À la création du CTR, le voilà nommé directeur. Sébastien Lebeau aura mené sa barque footballistique comme il l’entendait. «Est-ce que le foot me manque ? Je n’ai pas le temps d’y penser» répond-il après un long temps de réflexion. Sur son bureau, le passeport est toujours en instance de départ. Chypre, la Pologne, Munich, l’Italie ont jalonné ces derniers mois.

Ses fonctions lui incombent aussi de répondre aux médias nationaux, de plus en plus nombreux à s’intéresser à ce surprenant CNTS. En août dernier après un reportage d’Europe 1 (ici) qui remet en question la faculté de Châteauroux à recevoir les Jeux : «Ce bad buzz, c’était rigolo, tempère Sébastien. Aujourd’hui, le CNTS on en parle presque tous les jours. RTL, le Monde sont venus. Sébastien Lebeau dans Le Monde, c’est fou quand même !» Il prend la chose comme une parenthèse récréative dans des journées trop courtes.

Il sait aussi qu’après les Jeux «ce sera le même rythme pour le CNTS. L’objectif, c’est de faire en sorte qu’il devienne une marque. On a ici l’équivalent de Clairefontaine pour le foot ou Marcoussis pour le rugby. Le CNTS est déjà la maison des équipes de France. Nous avons des partenariats avec le GIGN, la protection rapprochée du Président de la République, mais la dimension du CNTS est en train de changer. Il faut que les gens en prennent conscience. Il est déjà devenu un pôle attractif du département.» Depuis janvier, la structure s’est renforcée. Dix personnes ont été embauchées. Le comble dans tout ça, c’est que Sébastien Lebeau n’a toujours pas trouvé le temps de s’essayer au tir dans l’un de ses stands.

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