Les ficelles du métier

Quand Jean-Charles le musicien devient Bavouzet le parcheminier

par Nicolas Tavarès

La parcheminerie, une longue tradition familiale qu’entretient Jean-Charles Bavouzet dans l’atelier qu’il a reconstitué à Levroux.

Les yeux brillent d’une lueur qui a traversé plusieurs générations de Bavouzet. Évoquer la parcheminerie avec Jean-Charles, c’est s’inviter dans l’histoire de Levroux et partir sur les traces des mégissiers. C’est aussi remonter le temps pour découvrir un vieux métier qu’il remet au goût du jour par pure passion. Voilà pourtant trente ans que Jean-Charles Bavouzet a fait de la musique son quotidien (lire par ailleurs), promenant basse et contrebasse au gré de ses humeurs artistiques. Mais le parchemin tient une place prépondérante dans sa vie. «Mon père était le dernier parcheminier artisanal de Levroux lorsqu’il a pris sa retraite en 2004. De 1999 à 2004, il avait reçu une commande pour réaliser les diplômes de Harvard. Pendant cette période, je l’ai aidé tous les matins. C’était un véritable concours de circonstances, mais durant tout ce temps, je me suis vraiment senti à ma place.» Il parle même de déclic. «Avec mon frère, nous avons hérité de l’atelier à la mort de notre père en 2011. Il y avait conservé plein de choses, notamment des outils. À sa retraite, il avait vendu son savoir-faire à la tannerie parcheminerie Dumas d’Annonay. J’aurais bien voulu faire perdurer l’activité, mais c’était incompatible avec mon statut d’intermittent.»

À Levroux, vieille capitale du cuir et de la parcheminerie, Alain Fried, alors maire, a toujours cherché à mettre en lumière ce patrimoine. Il existait déjà le musée du cuir et du parchemin. Manquait l’atelier. «La commune avait racheté une petite parcheminerie. On nous a ouvert les portes.» Jean- Charles saisit l’opportunité de relever le défi en créant l’association L’atelier parcheminier. Il ira jusqu’à renouer avec Frédéric Dumas, à Annonay, «pour aller me former auprès de lui. Il m’a donné une peau, les outils, et les gestes sont revenus immédiatement !»

Enluminures et percussions

Ceux, minutieux, qui tiennent tout autant de l’ancestral que d’une technique bien particulière : faire du parchemin à la ficelle – «une technique totalement manuelle que l’on doit être trois en France à savoir maîtriser.»et qui nécessite, entre autres, la préparation de brochettes – de petites baguettes de noisetier – qui permettront de tendre la peau, l’oreille tendue pour réagir aux plaintes du bois qui travaille. Dès qu’il le peut, Jean-Charles s’échine sur les peaux de mouton, de chèvre ou de chevreau. Sans autre arrière-pensée que celle d’être un passeur. «La conservation du patrimoine levrousain me tient à coeur. J’ai essayé de recréer un atelier à l’ancienne un peu comme mon père l’avait fait à son époque. C’est dans cette idée que l’association a été montée ; absolument pas pour faire du commerce.» Les subsides que rapportent les commandes d’enlumineurs ou de percussionnistes sont réinvestis pour acheter des peaux ou rénover l’atelier posé dans le vieux Levroux des mégissiers, le long d’un bras du Céphons qui ruisselle encore à l’arrière du bâtiment.

Ponctuellement, Jean-Charles Bavouzet se fait une joie d’accueillir le visiteur en ces lieux chargés d’histoire. Journées du patrimoine ou fête du cuir lui offrent de raconter ce métier qui l’habite désormais. «L’idée serait d’ouvrir l’atelier les dimanches après-midis ou les jours fériés» pour offrir un saut dans le temps au milieu de peaux tendues, d’outils et d’échantillons de parchemins qu’il n’a eu de cesse de travailler encore et encore sur le châssis.

L’Atelier Parcheminier
Facebook : l’atelier Parcheminier

De Jus d’Box à Am Ketenes

«La musique, c’est mon métier. Avec la crise sanitaire, je ne peux pas dire que je suis démuni, puisque j’ai le parchemin, mais les concerts sont mis entre parenthèses. Et puis avec la musique, on a jamais fini ! J’essaye donc de vivre la période de la meilleure façon.» Ce qui nous prive pour l’heure des nombreuses collaborations de Jean-Charles, bassiste et contrebassiste, qui navigue du jazz manouche d’Am Ketenes avec Pablo Robin, Kamlo Barré et Jean-Baptiste Frigier, au New Orléans de Cat J Swing (Jean-Pierre Dulin, Jean-Luc Ploquin, Joël Valade). On le retrouve également dans le trio Choron n’Co en compagnie de Franck Choron et Romain Lévêque. Jean-Charles se promène aussi du côté des reprises pop jouées par Jus d’Box avec son compère Marc Plaisant. Dernièrement, Jean- Charles accompagnait Stéphane Daniel sur scène…

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