Beatmaker des salles obscures

Damien Duris se promène entre hip-hop, jazz et ciné-concerts

par Nicolas Tavarès

Loin de la lumière des projecteurs, le musicien castelroussin trace son sillon sans crainte de faire le grand écart entre les styles.

À 41 ans, Damien Duris ne se revendique pas spécialiste des ciné-concerts. Sa récente actualité l’a pourtant mené dans les salles obscures où il a accompagné treize projections du Grand Jour du Lièvre dans le cadre du festival 1, 2, 3…Ciné!, programme cinématographique pour jeune public. Il y a trois ans, on l’avait également vu à l’oeuvre face à la toile de l’Apollo pour mettre en musique électro les commentaires enfiévrés de Gilles Boizeau et Bruno Mascle dans Va y avoir du sport. «L’idée même du ciné-concert est grisante mais je ne veux pas me spécialiser dans ce genre. J’aime me retrouver dans des salles de concert avec des gens qui boivent des bières» concède Damien.

Son registre porte donc le musicien castelroussin vers d’autres rivages. Il y a d’abord la guitare, débutée ado. Au coeur des années 90, il n’échappe évidemment pas à l’influence Nirvana. C’est là aussi que naît son goût prononcé pour le gros son, celui du Wu-Tang Clan notamment. Plus tard, le Castelroussin se laisse séduire par le jazz, celui qui invite à la fête, le swing manouche. Avec quatre potes, en 2006, il forme Picpoule : quintet enjoué qui va tourner en région. «On a eu la chance de jouer une centaine de dates dans des endroits souvent très cools.» Arrive 2011, le quintet devient trio. Marc Aubert, Julia Campens et Damien se transforment en Miss Cache-Cache.

«C’était de la chanson réaliste qui parle d’alcool et de drogue. C’était un peu rock.» L’aventure va durer trois ans avant que le trio revienne aux joies du collectif au sein du Caboulot Tracté. Basé à La Châtre l’Anglin, le cabaret virevolte autour des arts circassiens et de la performance toujours accompagné d’un orchestre dans lequel Damien glisse ses accords de guitare. «L’idée du cabaret, à faire, c’est génial. Mais il faut aussi parfois en sortir.» Le COVID a forcé à mettre le Caboulot entre parenthèses pour un temps. Court, forcément puisque depuis le début de l’année, les résidences se multiplient en vue d’un prochain spectacle.

En parallèle, depuis 2015, Damien Duris écrit une autre page de son histoire personnelle. Technicien en régie et chargé de la maintenance informatique pour la radio RCF en Berry, il «passe les plats à l’antenne entre 11h et midi trente», lâche-t-il dans un éclat de rire. Mais grâce à ce mi-temps, il peut consacrer l’essentiel de ses journées à la composition. Et là, c’est le hip-hop qui prend la main : «Il offre tellement de déclinaisons possibles. La richesse du beatmaking est telle que tout devient son. Je me laisse porter par le hip-hop. Mon studio est installé dans ma salle à manger. J’ai besoin de créer et quand je peux restituer ma musique alors c’est le top.»

Un beatmaker nommé Consort

Samplers et séquenceurs accompagnent son quotidien et c’est sous le pseudo de Consort que Damien Duris joue les beatmakers. «Ce pseudo lui permet de s’allier à plein d’autres artistes» contextualise Agnès Rabaté, son épouse, coordinatrice de l’action culturelle et programmatrice jeune public d’Équinoxe la Scène nationale de Châteauroux.

L’alliance, justement, elle se concrétise actuellement par un projet mené avec un duo de rappeurs. «Nous sommes en train d’enregistrer un EP (Extended Play, format musical comportant plus de pistes que le single et moins de pistes que l’album, ndlr) avec Mista Uze, originaire de l’Essonne et Kerat, d’Argenton. Ils font un rap très indé, avec une musique assez dure.» On est à mille lieux des canons du ciné-concert sur lesquels il pose une musique plus assagie. Ça ne parait pas comme ça, mais pour un musicien, le ciné-concert est un exercice casse-gueule par excellence. Un loupé dans le choix de la composition et c’est le spectateur qui perd le fil de l’histoire. Le danger décuplé lorsque la moyenne d’âge du public n’excède pas 8 ans.

Retour sur l’épisode 1, 2, 3…Ciné! où il a officié avec son MPC, «l’instrument mythique du hip-hop. Je devais composer des rythmes, anticiper des actions pour ne pas trahir le sens du film. Ce n’était pas sans filet, mais avant de le jouer, je l’ai montré à des gens compétents. Le risque était mineur. D’ailleurs, la première fois que le ciné-concert du Grand Jour du Lièvre a été présenté à Bourges, devant des programmateurs de salle, j’ai vu les enfants happés et pas un seul n’a pleuré !» La suite, Damien Duris l’imagine sur scène : «J’en ai envie. J’ai un rapport intense au live. J’adore jouer pour le public.» Il évoque son projet à la Centrale de Saint-Maur (lire encadré) mais élude cette idée qu’il a en tête. Tout au plus devine-t-on que ce projet ne se passera pas dans une salle obscure.

Derrière les barreaux

C’est un de ses projets qui lui tient particulièrement à coeur. Pour le mener, Damien a dû se retrouver derrière les barreaux. C’était courant décembre, entre les murs de la Centrale de Saint-Maur. «Je suis arrivé avec mes vinyles, une enceinte, une platine. J’y ai passé une semaine en stage avec cinq détenus. À la base, ce devait être un atelier, mais au bout de 10 minutes, j’ai vu qu’il y avait moyen de faire un groupe.» Le projet a alors évolué vers «la préparation d’un répertoire pour un festival de musique prévu à la Centrale en août prochain…»

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