Cet obscur objet du désir

Le disque vinyle est de retour et c’est tant mieux pour les oreilles

par Nicolas Tavarès

Un club vinyle à la MELI d’Issoudun, des collectionneurs, un disquaire à l’ancienne : le retour en grâce du vinyle est contagieux.

D’abord, il y a ce craquement, à peine perceptible, qui laisse les amateurs au bord de l’extase. Puis le poids : 180 grammes pour les puristes ; 140 pour les autres. Enfin il y a la pochette qui le renferme. Elle est parfois autant recherchée que le disque lui-même… «J’écoute des vinyles depuis tout petit», raconte Alex Nivet. Ça commence généralement ainsi. Technicien en informatique, l’Issoldunois baigne dans la musique depuis longtemps. Mais c’est d’avoir découvert le microsillon dans les pas de Maurice Comte, figure emblématique du milieu rock issoldunois, qui l’a fait basculer du côté sombre de la force. «Maurice avait une collection incroyable – environ 5000 vinyles, 7 à 8000 CD – qui a été donnée à la ville d’Issoudun à son décès. Il fallait en faire quelque chose.» Alors depuis l’année dernière, Alex Nivet, Charz et Éric Hervouet, le directeur de la MELI, ont décidé d’ouvrir le Club Vinyle. Chaque troisième mardi du mois, il rassemble des passionnés et des profanes.

«À chaque fois, il y a un thème. L’an dernier, il y avait eu l’opposition Stones-Beatles de 1962 à 1970, Gainsbourg, le jazz, le rock français.» En octobre dernier, pour l’ouverture de la saison, c’était les guitar-heroes (Hendrickx, Vaughan), clin d’oeil appuyé au Festival Guitare qui s’approchait à grands pas. Pour Alex Nivet, le Club Vinyle, c’est l’occasion de replonger dans les belles heures de la galette «en travaillant sur la collection de Maurice qui allait jusqu’à 1984. Nous sommes installés à l’auditorium qui peut accueillir 80 personnes. L’an dernier, le club a commencé avec 25 personnes. Nous étions une quarantaine à la fin de la saison et c’était parfait pour l’échange, les discussions.»

Au Club vinyle, on écoute religieusement. Alex et Charz y ajoutent anecdotes, histoire de l’album et spécificités de l’enregistrement à la manière d’une Rebecca Manzoni, journaliste qui décrypte les grands classiques de la musique avec son « Pop’n Co » sur France Inter. La comparaison fait  sourire Alex, presque confus : «Je suis simplement un passionné !» Mais le goût pour le vinyle n’est-il rien d’autre qu’affaire de passion ?

Sauvé par l’indé et le hip-hop

Rémi Léguillon (ci-contre) en est convaincu. Il y a deux ans, il a ouvert le Bruit qui Tourne, bar-disquaire de la rue Grande à Châteauroux. À l’heure du numérique, l’idée pouvait paraître iconoclaste. «Mais nous privilégions l’indé au commercial. C’est notre marque de fabrique. À la mort du vinyle dans les années 90, il était toujours là en indé, en hip-hop. Le vinyle est revenu en 2012 et il y a eu une véritable explosion en 2016. À l’époque, en Angleterre, il s’était vendu plus de vinyles que de morceaux MP3 !»

Rémi et son compère Bérenger Trompesance surfent donc sur la vague tout en surveillant les grandes surfaces culturelles qui garnissent à nouveau leurs bacs en vinyles. La méfiance s’efface très vite car le collectionneur «va rechercher la pièce rare : le premier pressage, l’enregistrement pirate. La nouvelle génération d’acheteur ira vers le vinyle neuf. Les 30-60 ans, le plus gros de notre clientèle, préfèreront l’occase.» Ce que confirme Alex Nivet : «Ma passion me pousse vers les brocantes où l’on peut trouver des choses à 1€. Un jour j’ai trouvé un 45 tours de Bob Marley pressé à cinq exemplaires pour un passage en radio. Je l’ai eu pour 50 centimes et je l’ai revendu 150€!» Avec le vinyle, qui offre un vrai son, tout le monde vous le dira, les prix peuvent en effet s’envoler. Rémi Léguillon : «Nous avons en stock, mais pas en boutique, un Stones et un Bowie premier pressage qui valent dans les 3000€ ! Nous avons aussi fait un aller-retour à Genève pour récupérer un stock. Dedans, il y avait un paquet de perles rares.»

En fait, le vinyle n’a qu’un seul défaut : à un moment, il faut le retourner !

« J’ai des bootlegs d’ACDC et Deep Purple ! »
Christophe Arouy, collectionneur

On commet parfois l’irréparable pour débuter une collection. «Mon premier vinyle, c’était un 45 tours, « Movie Music ». Soyez indulgent, j’avais 11 ans !» Depuis, Christophe Arrouy s’est refait une réputation. «Avec la maturité, je me suis fixé sur des styles différents, heureusement : du blues, du hard, du rock. Le vinyle, c’est le craquement, la qualité de son. Pour l’écouter, il faut s’approprier un espace et se poser, regarder la pochette, prendre du temps.» Christophe a si bien pris son temps qu’il compte aujourd’hui près de 2000 vinyles dans sa discothèque. «J’ai des bootlegs (ndlr, des enregistrements pirates de live) d’ACDC ou Deep Purple trouvé dans des conventions. J’ai aussi un Téléphone numéroté, l’album « Crache ton venin » ou plusieurs dizaines de pictures disc (ndlr, en PVC transparent). Un vinyle ça ne s’écoute pas avec une platine bon marché. Il faut y mettre le prix. Moi j’ai une Technics.»

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