Chateau Crew, c’est de la bombe

Un collectif de graffeurs veut mettre de la couleur dans Châteauroux

par Nicolas Tavarès

La scène locale des graffeurs est en plein renouveau. Dans le sillage du Castelroussin Cher1, un collectif veut démocratiser l’art urbain.

De tout temps, les graffeurs n’ont que très rarement goûté à la lumière des projecteurs. Laisser au regard du public une oeuvre (souvent) éphémère seulement signée d’un blaze énigmatique pouvait suffire à leur bonheur. Mais le tag a cédé la place au graffiti. Aujourd’hui, on parle de street art et les graffeurs les plus talentueux entrent dans les galeries. Alors les capuches tombent peu à peu. Le 4 décembre dernier, Arnaud (Cher1), Guillaume (Kozy), Stéphane (Dane) ou Gaëtan (Ghe2to Blaster) ont donné naissance à Château Crew, «une association créée pour développer l’art urbain par l’événement et sensibiliser les gens, explique Arnaud, artiste graffiti. On souhaite se faire connaître dans les mairies, se rapprocher des maisons de quartiers, ouvrir un atelier pour avoir un lieu de vie et même organiser un festival à la fin du printemps. J’ai des amis mondialement réputés qui sont partants pour venir.»

Arnaud c’est donc Cher1. À Châteauroux, le blaze est précédé d’une solide réputation qu’il n’a pourtant pas cherché à entretenir. «Il y a quelques temps, je peignais à Belle-Isle et un gars est arrivé, m’a regardé faire, raconte Morgan Collin, alias Eskimo (voir par ailleurs). Au bout d’un moment, il m’a dit qui il était. Pour moi, Cher1 c’était comme une légende urbaine dans la ville. C’est grâce à lui qu’on peut graffer sur les piles des ponts de Belle-Isle.» Eskimo et Cher1 ne cheminent pas sur les mêmes voies artistiques. Le premier n’appartient d’ailleurs pas au collectif Château Crew, mais Arnaud appréciera le compliment.

Quinze ans à Tahiti

Pour ce quadra resté accroché à l’adolescence, aller déposer en Préfecture les statuts de l’association a sans doute eu le goût amer du reniement. Celui de ses jeunes années un peu turbulentes, bombe de peinture en main. «Mes parents ont découvert que j’étais graffeur quand La Nouvelle République m’a consacré un article il y a quelques années alors que je vivais à Tahiti.» Car avant son retour à Châteauroux, Cher1 a ouvert une longue parenthèse qui l’a d’abord mené en station de ski – «J’étais web designer en office de tourisme, notamment à l’Alpe d’Huez» – puis en Nouvelle-Zélande et enfin en Polynésie où il demeura plus de quinze ans, «toujours comme web designer puis en montant une asso de graffeurs et en ouvrant un magasin de skate et de peinture.» Arnaud se fait un carnet d’adresses, part graffer en Australie, en Amérique du Nord, touche à la photo, la vidéo – des productions sur le graffiti et le skate seront prochainement diffusées sur la chaîne France Ô.

À l’automne dernier, il revient se poser dans l’Indre pour créer sa société « This is Paint » et distribuer en Europe et en France les bombes de peintures IronLak®, particulièrement prisée dans le milieu du street art. Entre deux stages de formation à la CCI de l’Indre, Arnaud, réputé pour son activité de décorateur, a retrouvé quelques spots de sa jeunesse. Des potes aussi, qui étaient tous rassemblés au vernissage de l’exposition de Ghe2to Blaster (lire ci-dessous). Avec eux il a (re)signé sur les piles du pont de Belle-Isle. S’est fait plaisir dans quelques friches appelées à disparaitre bientôt. «C’est à Belle-Isle que nous est venue l’idée de monter Château Crew» se rappelle Arnaud. «Peindre avec d’autres, ça libère. Être dans un collectif, c’est enrichissant» estime pour sa part Gaëtan. Les « profs » sont là. Reste à laisser les nouveaux talents se révéler. Quand on lui demande ce qu’est un beau graffiti, Arnaud esquisse un sourire et ouvre quelques pistes : «Ce sont de belles lettres pleines de couleurs, des effets, de beaux personnages et surtout, une belle signature!» À bon entendeur.

Association Château Crew
Courriel : chateaucrew@gmail.com
Tél.: 06 37 94 21 66

C’est le Pérou pour Ghe2to Blaster

Membre de Château Crew, Gaëtan Deffontaines (Ghe2to Blaster) expose actuellement aux Tontons Bringueurs. Une expo en poste restante puisque l’artiste de Paulnay passe tout l’hiver au Pérou où il a rejoint sa petite amie. Mais il a également prévu d’y rencontrer des artistes péruviens afin de partager des inspirations «et graffer avec eux». Les premiers pas dans une cabane de chantier plantée dans le jardin de ses parents sont désormais bien loin…

Eskimo voit grand


Graffer en grand pour se débarrasser de la mauvaise image… C’est un peu le leitmotiv de Morgan Collin, alias Eskimo. Directeur périscolaire depuis deux ans, l’artiste de street art intervient auprès du jeune public pour des initiations et réalisations de fresques. «Je mène un projet qui met l’enfant acteur. C’est lui qui tient la bombe avec toutes les précautions évidemment.» Eskimo est un habitué de Belle-Isle «où se passe l’essentiel de mon activité loisir. Mais la fresque sur la citoyenneté réalisée avec le centre de loisirs de Villedieu en 2018 a été un véritable déclencheur.» Les Grands Quartiers de Châteauroux ont vu tout le bénéfice qu’ils pouvaient tirer d’une collaboration avec Morgan et une immense fresque est apparue à Beaulieu. Un pas de plus vers la démocratisation du graffiti.

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