Des Picards heureux en Berry

D’Amiens à Châteauroux, comment ils ont cédé aux sirènes indriennes

par Nicolas Tavarès

Le clan des Picards au grand complet : Adrien, Fiona, Marine, Manuel, Magali et Christophe

Originaire des Hauts de France, la famille Mazingarbe a opéré un regroupement familial à Châteauroux où chacun fait commerce et incarne une certaine idée de l’attractivité du territoire.

Cela ressemblerait à un film choral à la Claude Lelouch. Il s’ouvrirait sur les mots de Marine Dolores : «Pour être honnête, je ne savais pas placer Châteauroux sur une carte. Moi, je voulais quitter Paris pour aller m’installer à Toulon». «Avec Fiona, nous devions aller à Saintes» ajouterait Adrien Mazingarbe dans un autre plan. En voix off, on entendrait Magali Mazingarbe expliquer : «Christophe venait de prendre sa retraite. Les enfants, notre petite fille, étaient loin de nous. Manu vendait sa maison. Et comme je n’ai jamais su ne pas me plaire quelque part…»

En une séquence d’ouverture, les rôles principaux du « Clan des Mazingarbe » seraient ainsi distribués en haut de l’affiche. Un frère, une sœur (Marine et Adrien), une mère et un père (Magali et Christophe). Une ligne au-dessous, bien plus que des seconds rôles, on découvrirait alors des « pièces rapportées » essentielles : Fiona Messier, compagne d’Adrien, et Manuel Dolores, époux de Marine. Sauf que nous sommes dans la vraie vie. La famille Mazingarbe originaire des Hauts de France, d’Amiens plus précisément, a dans un bel élan choisi d’élire domicile à Châteauroux.

Dans un très court laps de temps, chacun des couples a monté sa propre affaire ! Et puisqu’il faut généralement trouver l’élément déclencheur, commençons par Manuel Dolores qui revendique le plus d’ancienneté berrichonne. «Je suis rouennais d’origine. Je suis arrivé à Châteauroux il y a 17 ans, à la fin de mes études, pour travailler pour une enseigne de sport dans laquelle j’étais chef d’univers. J’ai ensuite évolué dans le milieu bancaire» raconte Manuel avant que Marine déroule le fil de leur histoire commune : «Nous nous sommes rencontrés à un mariage à Montpellier. On nous avait placé à la table des célibataires. Je travaillais dans le marketing à Paris. Je suis venue à Châteauroux en 2015. Je faisais encore les allers-retours en train mais j’ai vite arrêté.»

Et la Maison Félicie, aussi

Qui est arrivé le premier ? L’oeuf ou la poule ? Adrien Mazingarbe tient la réponse…

Au coeur de la pandémie, Marine rejoint Manuel dans l’immobilier. Le détail a son importance, vous le verrez plus tard. Adrien et Fiona, eux, sont d’abord venus passer des vacances dans l’Indre à l’invitation de Marine et Manuel. Ils avaient pour projet d’ouvrir un restaurant. Leur choix se portait sur la ville de Saintes. Toute la famille avait été consultée et la bénédiction donnée.

Mais là encore, le COVID va changer le cours du destin, en tout cas ralentir l’avancée du projet charentais maritime. «Lors du baptême de leur fille, Manu et Marine nous ont proposé de venir nous installer à Châteauroux. Ils nous ont fait visiter ce qui était l’ex restaurant l’Entre Nous. On a senti une âme dans ce lieu.» Arrivés en juin 2020, ils en ont fait Le Philos’œuf, ouvert en décembre dernier. Fiona s’active en salle et à l’accueil ; Adrien est aux fourneaux. À la carte, des spécialités autour de l’oeuf et une sélection de plats typiques du nord.

Dès lors « abandonnés » en Picardie, Magali et Christophe n’avaient d’autre choix que de s’expatrier. Cela s’est fait quasiment sur un coup de tête : «En septembre 2020, Manu vendait sa maison. On a voulu la voir. Des clients étaient sur le point de l’acheter. Il a fallu vite se décider !» La retraite de Christophe, fonctionnaire, sera donc indrienne. Le destin est d’ailleurs bien fait : ancien gardien de but de Division 2 avec Le Touquet à la fin des années 80, il a retrouvé à Châteauroux Paul Delecroix, portier de la Berrichonne qu’il avait entraîné lorsqu’il était responsable des gardiens de but au sein du centre de formation d’Amiens.

Les coups de main du père

Quand Christophe promène Magali, c’est en Ami 6

Devenue castelroussine, Magali, elle, entend poursuivre son activité : «Depuis 20 ans, je suis énergéticienne, magnétiseuse et naturopathe.» Marine intervient : «Manuel a été sollicité pour vendre un immeuble rue de la République. On a décidé d’en faire un investissement immobilier et nous avons proposé à maman d’y être locataire pour ouvrir son cabinet.» Magali aura pignon sur rue, mais en compagnie de Marine chez qui mûrissait un virage professionnel depuis quelques temps : «L’immobilier c’est bien, mais en mai 2022, il y a eu la grêle et les dossiers étaient lourds à gérer. J’avais envie d’autre chose, d’être au milieu des gens mais dans un autre domaine. Le drainage lymphatique m’intéressait depuis longtemps. J’ai suivi une formation et je me suis installée avec ma mère.» La Maison Félicie est ouverte depuis décembre, elle aussi, et Magali est ravie.

Une nouvelle histoire peut maintenant s’écrire. Christophe «donne des coups de main à tout le monde.» Magali profite de sa petite fille «et réfléchit à l’évolution des prestations de la Maison Félicie Adrien et Fiona n’ont pas une minute à eux et n’ont pas encore eu l’occasion de s’adonner à leur loisir préféré : la pêche. Marine s’est lancée dans son nouveau job et Manuel regarde tout cela avec philosophie : «Si nous nous implantons de la sorte, c’est que nous sommes bien ici.» Adrien rebondit : «On s’est senti bien de suite. Châteauroux, c’est comme un grand village.» Fiona abonde : «Châteauroux est très bien fait pour les nouveaux arrivants. Il m’a fallu moins de deux semaines pour trouver un premier emploi lorsque nous nous sommes installés.» Magali et Christophe ont eux aussi un faible pour la région qu’ils découvrent à un rythme de sénateurs : «Nous avons une 2cv et une vieille Ami 6 avec lesquelles nous aimons nous promener.» Il n’y a que Marine pour se plaindre sur le ton de la plaisanterie : «Je me sens bien ici. Il manque juste la mer, un Ikea et un Zara…» Allez savoir si le reste du clan l’aurait suivi jusqu’à Toulon ?

Rechercher
X