Emilia, antipodiste intuitive

Sa nouvelle création artistique invite à se reconnecter avec la nature

par Nicolas Tavarès

Emilia Taurisano et sa compagnie présentent « ContreCourant », spectacle circassien et projet nature, entre art et science.

Les rêves d’une jongleuse sont parfois déroutants : «Le mien, c’est de travailler dans un cabaret allemand quand j’aurai 80 ans. Ne me demandez pas pourquoi !» Emilia Taurisano part dans un éclat de rire : «De toute manière, je me vois jongler jusqu’à ce que mon corps ou ma tête m’arrêtent.» L’artiste italienne a fait une spécialité de l’antipodisme, soit le jonglage avec les pieds. Accordons-le, la chose n’est pas courante.

Mais pour l’enfant de Lecce (Pouilles) qui a posé ses balles à La Berthenoux et se lance, cet été, dans une tournée le long de la Loire, il n’y a là rien d’extraordinaire. Emilia, 43 ans, s’est prise de passion pour le jonglage il y a une vingtaine d’années. Détentrice d’un Master en traduction littéraire décroché à la faculté de Turin, elle découvre Nantes en 2001 où elle vient poursuivre des études en droit international européen dans le cadre du programme Erasmus. Parmi les activités sportives que lui propose la fac : le jonglage.

De l’Uruguay à la Palestine

«Dès la première séance, je me suis amusée. C’était répétitif, long, mais j’ai ouvert une porte. Pourtant, je ne pensais pas en faire un métier, juste du loisir.» Le monde qui se cache derrière la porte ouverte va toutefois la mener de l’initiation à la formation puis de la formation à la scène. Le temps de rendre son mémoire sur la place de l’artiste de cirque en droit du travail, Emilia entame alors une véritable quête initiatique et artistique. Dans le désordre : Clowns sans frontière en Uruguay, école du cirque à Madrid, actions culturelles à La Réunion, en Roumanie ou en Palestine et jonglage en Inde. Emilia a trouvé sa voie : «Jongler est une pratique qui entraîne vers le méditatif. C’est presqu’une transe, un langage extraordinaire, immédiat, qui me permet de m’exprimer.»

Emilia Tau, diminutif qu’elle a choisi pour nommer sa compagnie s’imaginait anthropologue. Elle est devenue antipodiste, pratique de jonglage avec les pieds. «Peu de monde fait ça. Aujourd’hui, j’ai 20 ans de pratique. J’ai affiné ma technique que je développe dans une dynamique contemporaine.» Et c’est dans l’Indre qu’elle prépare ses créations. C’est en 2005, au hasard d’une formation aux arts du cirque, qu’elle découvre La Châtre. Elle y reviendra s’installer en 2009 après avoir rencontré, lors d’un voyage en Pologne, celui qui va devenir son compagnon. Il n’y a jamais de hasard : Bertrand Depoortere est photographe… originaire de l’Indre.

Création en pleine nature

Aujourd’hui, il est aussi le régisseur général de la Compagnie Tau. «Il est totalement partie prenante du projet», explique Emilia à l’heure de dévoiler « ContreCourant », sa création circassienne en pleine nature. La metteuse en scène la décrit comme «un projet entre art et science, une porte ouverte de plus. Le spectacle est au contact de la nature sauvage, très intuitif.» Pas de scène en dur, pas de chapiteau.

« ContreCourant » se joue en décor naturel «mais l’environnement est un personnage à part entière. Chaque représentation sera différente en fonction du lieu. Le but est de sensibiliser à la nature ; partager avec le public cette beauté qu’elle nous offre.» Pour l’occasion Emilia a réuni quatre acrobates et jongleurs portugais et italiens. La sortie de résidence s’est jouée à Rochecorbon (Indre-et-Loire) fin mai. La première est présentée sur les bords de Loire à Saint-Satur (Cher, le 4 juin) et l’unique représentation dans l’Indre aura lieu au Moulin d’Angibault le 29 juin.

Ensuite, Emilia et sa troupe partiront en tournée lente sur l’itinéraire de la Loire à Vélo. «En repérages, tout au long de l’année qui s’est écoulée, nous avons vu des lieux magiques. La moitié des lieux choisis pour le spectacle sont de notre fait. L’autre moitié est du fait de la nature elle-même.» La création est une itinérance entre forêts, champs ou milieu aquatique. Dans le dossier de presse de la tournée, « ContreCourant » est présenté comme un temps poétique «une expérience du corps sensible dans des espaces sensibles». Emilia Taurisano parlerait sans doute d’une nouvelle porte qui s’ouvre sur la beauté sauvage de la nature.

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