Grand vielleux en hypoxie

Grégory Jolivet sort un nouvel album ciselé en eaux profondes

par Nicolas Tavarès

« Osmose » le nouvel album de Grégory Jolivet, joueur de vielle réputé, est un voyage en profondeur. C’est dans sa passion pour l’apnée que le musicien a puisé l’inspiration.

Grégory Jolivet est un enfant de Bourges. Mais c’est à Châteauroux qu’il a posé vielle et bagages depuis 2005. Un Berrichon pur jus donc. Un artiste reconnu dans le monde de la musique traditionnelle, surtout. Mais Greg Jolivet ne s’est jamais restreint à son seul horizon trad. Pour sortir de sa zone de confort, il a électrisé sa vielle, a multiplié les expériences et les projets (Organic Bananas, Le Grand Barouf avec Julien Padovani et François Robin, La Machine ou Blowzabella) et a laissé les influences pop de Sonic Youth, My Bloody Valentine, Jeanne Added ou Anne Paceo bercer son oreille pour se forger une place à part dans le paysage musical.

À l’heure de la sortie de son nouvel album, « Osmose », Greg dévoile toutefois une autre facette de son approche artistique. Plus profonde, plus aquatique. Le vielleux s’est en effet pris de passion pour une discipline à part : l’apnée. «J’avais plongé un peu, enfant. Et j’ai évidemment été marqué par le film Le Grand Bleu, par Jacques Mayol, le vrai, aussi. Mais la véritable histoire a commencé en septembre 2015 avec Cécilia S., la chorégraphe. Elle m’a montré une vidéo de l’apnéiste Guillaume Néry. Nous avons parlé d’un projet de danse sous l’eau qu’elle a mené à bien en 2018, « Azul«  (le 5 février à Issoudun) auquel je n’ai pas pu participer finalement pour une question d’agenda.»

Enthousiasmé par la discipline, Grégory se met en quête d’un site de plongée. Son cheminement va le conduire à une fosse, celle de Montluçon, et à une rencontre, déterminante. Il fait la connaissance de Jean-Jacques Gautier, «mon maître zen» qui va l’initier. La date reste gravée dans sa mémoire : le 9 avril 2016. Depuis, Greg n’a plus lâché ni les palmes, ni la combinaison, ni le pince-nez. Il est entré en apnée comme on entre en religion. Et son parcours initiatique à une vingtaine de mètres de profondeur a tout simplement changé sa vie. «Lorsque j’ai rencontré Jean-Jacques, je sortais d’une période difficile, limite burn-out. Il m’a appris le yoga, la décontraction. J’ai été très ascète dans mon approche. Mon alimentation a changé, je suis devenu végétarien. Mon oreille, ma respiration ont changé également. Tout comme ma perception du monde. Avec l’apnée, il y a eu comme un syndrome de renaissance. Ça a été un véritable nettoyage du corps.»

Mélodies au fond de l’eau

En tout cas une véritable régénérescence qui a porté « Osmose », son nouvel album qui sort ce mois-ci et qui fait suite à une douzaine d’autres depuis 2010, sans compter ses nombreuses collaborations artistiques. «Je l’ai composé depuis 2017 en rentrant de différentes plongées en fosse et en milieu naturel. Pour moi, c’était un procédé quasi naturel car l’apnée apporte un grand calme et je ressentais une inspiration. En fait, je suis allé chercher les mélodies au fond de l’eau!» Mieux, Grégory s’est appliqué à utiliser toutes les spécificités de l’apnée, notamment les contractions du corps dues au manque d’oxygène. L’artiste n’hésite pas à dire que sa passion lui a offert un nouveau répertoire. Il en joue jusqu’à interpréter des morceaux en hypoxie, à travailler sur une méthode d’apnée à sec avec Nicolas Marcelin, son professeur au club subaquatique de Châteauroux. Dans un passé récent, Greg Jolivet se plaisait à courir les églises du territoire pour faire sonner son instrument. Désormais, il descend en eaux profondes pour trouver l’inspiration. Il ne désespère pas de s’attaquer un jour au chiffre Mayol, «mon but ultime, un 100m en apnée dynamique en piscine.» En attendant il plonge dans une sorte de béatitude et lâche dans un sourire : «Après 20 ans de pratique de la vielle, je me suis enfin trouvé artistiquement!»

« Osmose », dix ans de quête

«Le projet « Osmose » est un solo que j’ai souhaité pouvoir jouer en tout lieu, proche des gens, ou dans des lieux atypiques.» Ainsi parle-t-il de son nouvel opus joué avec une vielle à roue alto et électrique conçue avec Philippe Mousnier il y a une dizaine d’années. « Osmose » a été un travail de très longue haleine : «Il marque dix ans de recherches et de maturité sur cette vielle et les possibilités sonores et les tonalités qu’elle propose. Il y a évidemment un fort lien avec le milieu aquatique, la méditation et le moment de préparation à l’immersion.» Grégory Jolivet évoque également l’inspiration de Tobie Miller, grande joueuse de vielle à roue baroque classique. «J’ai travaillé sur le timbre jusqu’à utiliser les effets pour retranscrire certaines tensions du corps et chercher des modes de jeu qui correspondaient à ce que j’avais en tête…»

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