Le souvenir et la plume

Gilles Groussin et Guy Mérigot, conteurs d’une époque révolue

par Nicolas Tavarès

Écrire par devoir de mémoire ou pour rouvrir une parenthèse sur des souvenirs d’enfance, c’est la ligne directrice qui a conduit Guy Mérigot et Gilles Groussin à publier leurs ouvrages.

Guy Mérigot est né dans une ferme à Villechaise, non loin de Saint-Maur, en 1942. À 8 ans il s’installe à Villers où sa maman tient Le Bon Coin, «café restaurant de campagne où il passait du monde.» En 1966, après l’École Normale à Châteauroux puis la fac de lettres à Clermont-Ferrand, Guy monte à Paris où il enseignera le Français jusqu’à sa retraite qu’il coule tranquillement dans la capitale. Court résumé d’un pan de vie auquel un événement récent – la destruction de l’ancienne discothèque le Nicolas II à Villers-les-Ormes – a donné une nouvelle tournure. Haut lieu de la vie nocturne de la jeunesse castelroussine des années 80 et 90, ce qu’il restait de la bâtisse a donc été rasé en novembre 2020. Chez Guy Mérigot, cela a réveillé de vieux souvenirs. Car avant d’être une boîte de nuit, le Nicolas II s’appelait…Le Bon Coin. «Pour moi, ça a été un véritable déclencheur, reconnaît le septuagénaire. Ma soeur Huguette m’a prévenu. Il y avait un article dans La Nouvelle République. J’ai adressé un courrier pour rappeler ce qu’avait été cette maison dans Villers. Elle a été publiée intégralement. Ça m’a donné l’envie de développer l’histoire. Je ne voulais écrire que quelques pages mais les éditions L’Esprit du Temps m’ont proposé d’en faire un livre. C’était en janvier dernier. » « Du côté de Villers, une jeunesse berrichonne » sortira le 21 octobre prochain.

«J’adore écrire, j’ai été secrétaire de rédaction d’une revue de psychanalyse, j’ai fait partie d’un collectif qui a publié chez Hachette, mais de là à faire un livre. J’avais plein d’anecdotes. Ma soeur a lu la première version puis elle est devenue mon attachée de presse et responsable marketing dans le Berry (rire).» À ses côtés, Huguette (photo), Castelroussine, explique en tout objectivité et avec un grand sourire «que Guy est doué pour écrire. Je suis fascinée par ce qu’il a fait.» En commençant par découper son ouvrage en trois époques : «Je me suis inspiré de Marcel Proust pour les nommer : « Du côté de Villers », « Du côté de Villechaise », « Du côté de Déols »». Et de se remémorer alors le temps béni des concours de belote, les projections de films dans la salle du restaurant, l’arrivée des Américains… Tout est couché sur papier et agrémenté de nombreuses photos que Guy Mérigot va dévoiler en allant à la rencontre de ses lecteurs. Les séances de dédicaces sont planifiées et dans un petit coin de sa tête, il réfléchit déjà à ressortir sa plume «pour une fiction, cette fois.»

Série historique et conférences

Gilles Groussin (photo ci-dessus) n’en est pas à son coup d’essai en matière d’écriture. Lui aussi a 79 ans et a enseigné les maths et la physique au collège de Valençay. En 2001, il s’est lancé dans une série sur la seconde guerre mondiale dans l’Indre. Résistance, occupation, libération, déportation, Gilles est devenu une référence sur un sujet auquel il a consacré 1700 pages et 17 années de travail, recueillant témoignages, fréquentant archives départementales et communales ou animant des conférences. «C’était un travail de mémoire nécessaire, raconte celui qui est également président du comité Chabris-Valençay de l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance. Mais le dernier ouvrage, sur la déportation, a été très éprouvant. J’avais besoin de me reposer la tête.» Gilles Groussin va donc s’atteler à raconter l’histoire de la fête du Bas-Bourg à Valençay, une mini fête de l’Humanité. «Il y a eu jusqu’à 6 000 visiteurs. De 1955 à 1995, Brel, Ferrat, Perret, Renaud, Mouloudji, Macias, Sardou et bien d’autres sont venus y chanter. C’était une fête politique, artistique, folklorique, culturelle et même gastronomique.»

Dans son ouvrage paru en mai dernier – « 40 années de fêtes du Bas-Bourg » -, Gilles Groussin se souvient du concours de pêche auquel il participa, enfant ; de la tombola où l’on pouvait gagner une assiette en porcelaine représentant un dessin humoristique ; du montage et du déroulement de la fête. Pour son livre, il a utilisé ses recettes habituelles. Par choix et par habitude, l’auteur a édité à compte d’auteur et sur souscription. Quand on a vu passer plus de 3 000 élèves pendant sa carrière de prof, on sait compter sur un noyau de fidèles. La suite, ce pourrait être un cinquième chapitre à la série historique ? Sans jamais s’éloigner de l’idée directrice : le devoir d’histoire, le travail de mémoire et la sauvegarde du patrimoine. Un point commun avec Guy Mérigot.

Localisé mais pas trop…

Responsable des éditions La Bouinotte, Gilles Boizeau porte un regard particulier sur les ouvrages traitant d’un patrimoine ultra local. «En qualité d’éditeur, je me dois d’apprécier l’intérêt commercial de ce type de livre. Est-ce que cela intéressera au-delà de la commune concernée ? Il nous est arrivé de sortir des projets très localisés, c’était un pari, et cela a plutôt bien fonctionné. Mais sur tout ce que nous recevons dans ce genre spécifique, 60 à 70% des manuscrits sont refusés soit parce qu’ils sont vraiment trop localisés, soit parce qu’ils vont concerner un sujet traité de façon trop généralisée. En revanche, il nous arrive d’accompagner un auteur par du conseil gratuit pour la maquette, l’impression ou pour le mettre en relation avec des professionnels.»

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