Léandre Boizeau à livre ouvert

Il a une vingtaine de livres à son actif et une passion sans borne pour l’Indre

par Nicolas Tavarès

Son nom est indissociable de la Bouinotte et de l’affaire Mis et Thiennot. Entre autres. Rencontre avec Léandre Boizeau, jongleur de mots.

On ne présente plus Léandre Boizeau. Mais d’emblée, il vous assène cette sentence : «Généralement, quand on commence comme ça, ça n’est pas bon signe !» Plus tard dans l’entretien, le co créateur de la Bouinotte avec le regretté Rolland Hénault et Gérard Coulon (1982) aura cette autre saillie au sujet d’un magazine devenu emblème de la culture berrichonne : «Je suis content de voir comment le bébé a grandi et que c’est mon fils, Gilles, qui l’a repris. Il était pourtant « équipé » pour faire autre chose en termes d’études. Et ma crainte, c’était qu’il ne se fasse pas un prénom. Au final, c’est maintenant à moi de me battre pour garder le mien, de prénom !» Qu’il se rassure, Léandre Boizeau ne s’est pas perdu dans les étangs de la Brenne. Son (hyper ?) activité l’impose comme un incontournable acteur dans le paysage indrien. Conteur, écrivain, auteur de théâtre avec l’incomparable et étonnant « Musée des Ronchons » (et sa joyeuse troupe, ci-dessous) qui remplit les salles des fêtes depuis près de deux ans, Léandre Boizeau connaît son Berry sur le bout des doigts. Il est aussi et surtout un amoureux des mots qu’il a couché à flux tendu sur les pages d’une vingtaine d’ouvrages que compte sa bibliographie. D’abord instituteur, «à Orville où l’école n’existe plus, puis à la Champenoise où elle n’existe plus non plus (rire)», Léandre enseigna au Blanc pendant 35 ans. «Ce n’était pas une carrière, plutôt un acte de foi. J’avais une vraie passion pour mon métier. Ça me semblerait beaucoup plus compliqué aujourd’hui…»

De toute manière, son quotidien de retraité le retient sur un clavier, seule concession à la modernité, lui qui a toujours préféré multiplier les brouillons et raturer du papier à l’envi avant que cela ne devienne un roman, une enquête ou un ouvrage historique… Son premier livre justement, « Gêne », remonte à 1977. «J’ai écrit très tard et par hasard. Je  m’ennuyais en vacances – il pleuvait – alors j’ai participé à un concours de nouvelles. Je l’ai gagné. Pour moi, c’était un encouragement. Il y avait une vraie passion pour l’écriture. Se colleter à une page blanche peut être gratifiant lorsque l’on veut faire passer quelque chose. Et puis j’aime la musique des mots ; dépouiller son écriture pour la rendre plus lisible. Oui, j’adore ça.» Quitte à en souffrir parfois (souvent ?) car tenter de brosser le portrait de Léandre Boizeau, c’est immanquablement  se frotter à l’affaire Mis et Thiennot, son combat de 40 ans pour réhabiliter l’honneur des deux Brennous aujourd’hui disparus. «On ne peut pas se sortir d’une telle histoire, concède Léandre. Je m’y investis toujours. Je fais des conférences qui sont à chaque fois accompagnées d’un film. Je suis obligé de dépasser mon émotion. Mais je sais que l’on gagnera. Cela fait 40 ans que je me bats et pour la première fois, j’ai un véritable espoir, mais je n’en dirai pas plus. Vous verrez, on va enfin découvrir des choses…»

Léandre pourra alors se ménager une plage de repos comme il le fait habituellement. «Après mon livre sur Mis et Thiennot, j’avais écrit Bourduche. Après « les forçats de la faim », ça a été les Ronchons… Généralement, je m’offre des virgules sous forme de livres humoristiques.» À 78 ans, Léandre reconnaît qu’il s’octroie des pauses de plus en plus importantes. Et si l’heure du bilan n’est pas encore venue – l’homme déborde d’énergie -, il concède «avoir fait tout ce que (je) voulais faire avec un handicap, toutefois, celui d’être né dans une famille de gens du voyage sédentarisés à Buzançais. Si je ne devais avoir qu’un seul regret, ce serait de ne pas avoir pu poursuivre mes études. Mais quand on vient de ce milieu, on cumule les handicaps. Je suis par exemple totalement inculte en musique. Et j’ai dû attendre d’avoir 16 ans pour rentrer de plain-pied dans la littérature. À partir de là, je n’ai plus eu que deux moteurs : l’appétit de lecture, de culture et la souffrance de l’injustice ressentie.» Et c’est dans l’écriture qu’il s’est construit. «Peut-être parce que je suis conteur, beaucoup de mes lecteurs disent qu’ils entendent ma voix lorsqu’ils me lisent. Ça veut surtout dire que je leur parle…»

Si Léandre m’était conté

Conférences – «sans notes parce que je n’aime pas écrire lorsque je dois parler sinon je ne pourrais pas être bon !» -, séances de dédicaces, soirées contes sans parler des représentations du « Musée des Ronchons ». Léandre Boizeau vient de vivre un mois de décembre particulièrement bien rempli et à 78 ans, l’homme ne cache pas sa lassitude : «Je ne vois pas passer la retraite, confesse-t-il. Mais il faut quand même souffler de temps en temps.» Il livre d’ailleurs un petit secret de fabrique qu’il a instauré pour s’épargner : «Dans les soirées contes, qui sont plutôt du « racontage », j’étais capable de tenir plus de 2h d’une traite. Désormais, j’ai ajouté des intermèdes musicaux…»

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