Les marionnettes en fil rouge

Élodie Bretaud conjugue théâtre et marionnettes au quotidien

par Nicolas Tavarès

L’art de la marionnette est totalement méconnu dans l’Indre. Élodie Bretaud, artiste castelroussine veut remédier à cela.

Une petite cour perdue dans le vieux Châteauroux ; un jardinet et, sous la terrasse, un soupirail. La lumière qu’il laisse passer est pour le moins diffuse, mais c’est l’endroit idéal pour que M. Jules et Princesse Kevin se reposent entre une machine à coudre et quelques éléments de décor. Bienvenue dans l’atelier d’Élodie Bretaud. C’est en partie là que naissent les projets artistiques de la Castelroussine, originaire de Crevant, et dont le quotidien s’articule autour de ses marionnettes. La vie de M. Jules et Princesse Kevin ne tient pas à un fil. Pour les manipuler, Élodie préfère les tiges et travaille le tissu, le plâtre ou le papier pour leur donner leur apparence finale.

Au départ, il y a la passion du théâtre et un cursus qui conduit Élodie à l’Université Paris III Sorbonne Nouvelle : «J’étais inscrite en art du spectacle, option théâtre et je suivais les cours de 3année. C’est là que j’ai rencontré François Lazaro et découvert l’art de la marionnette. Je n’y connaissais absolument rien, se souvient-elle. Mais après un an de fac, j’avais formé un duo et présenté un premier spectacle. Je me nourrissais également de stages…» Portée par l’élan, l’artiste tente les concours d’entrée au Théâtre aux Mains Nues et à l’école internationale de théâtre Jacques Lecoq. Reçue dans les deux institutions, elle opte finalement pour la seconde. Nous sommes en 2005 et peu à peu, le ras le bol de la capitale la gagne au point de prendre la poudre d’escampette vers Cognac, «un vrai coup de cœur. J’y suis arrivée avec une bonne base de construction de marionnettes.» Elle y créé la compagnie « Jules&Co » – qui coïncide avec la naissance du fameux M. Jules cité plus haut. «Je crée également un spectacle de deux clowns de théâtre avec Noémie Larroque. Nous intervenions dans les lycées. J’étais clown blanc, une forme artistique que j’aimerais retrouver.»

Le projet Futile et Agréable

Pendant trois ans, Élodie laisse libre cours à sa créativité. «Je m’occupais de tout pour la compagnie : la communication, le graphisme. Peu importait où je plaçais ma créativité.» Cette créativité qui va finir par conduire Élodie vers de nouveaux  horizons et un retour en Berry. Formation de graphiste multimédia à Issoudun, graphiste en agence à Châteauroux pendant une longue parenthèse, puis arrive une petite Aénor en 2014. «J’ai pris conscience que j’avais besoin de souplesse pour gérer mon emploi du temps.» Élodie se pose donc en solo avec un choix qui la taraude pourtant de plus en plus : «J’étais soit graphiste, soit comédienne. J’avais envie de faire des choses qui ont du sens.» En 2017, elle assume ses choix : le théâtre et la marionnette jalonneront sa vie. «C’est là que j’ai monté le projet « Futile et Agréable » pour ne plus cloisonner mes envies.» Blog, théâtre, graphisme, podcasts, illustration, ateliers, la palette des possibles s’élargit ; la jeune femme fourmille de projets. En 2018, en collaboration avec le chorégraphe Jérôme Piatka, elle crée « Chroniques des jours entiers, des nuits entières ». Sa fille fréquentait la Bulle Rose à Châteauroux, elle y présentera « De fil en cordes » en duo avec la violoncelliste Nathalie Charmoy. «Lors d’un arbre de Noël, Marie-Paule Geniès, présidente de l’association Aladin et bibliothécaire à la médiathèque, assiste à notre spectacle. Elle me recontacte un peu après pour que j’intégre le dispositif « Escapages » pour la saison 2019-2020.»

Face à des tout petits, le programme est solide : au plus fort de la saison, trois représentations peuvent jalonner une semaine. Dans l’intervalle Élodie retrouve la Bolita Cie et va envisager une collaboration avec Francis Labbaye (lire par ailleurs). Le ciel artistique est totalement dégagé. Mais mars 2020 passe par là. «L’élan a été coupé et comme pour beaucoup, ça a été un gros coup sur la tête, moi qui aime l’effervescence des projets.» Le confinement aura au moins le mérite de l’éloigner du statut d’intermittente du spectacle qu’elle s’apprêtait à prendre. «Cela m’aurait obligé à courir le cachet !» C’est d’une autre manière qu’elle entend développer l’art de la marionnette. « »Escapages », qui m’a lancé, a repris en septembre. Je fais des interventions en lycée pour un travail à l’année sur les marionnettes. Je poursuis également mes ateliers théâtre à base d’improvisation, de relaxation, entre l’art et le bien-être.» Autant de projets qui naissent au fond d’une petite cour perdue dans le vieux Châteauroux.

Futile et Agréable
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Une sortie en ville

C’est un constat que Francis Labbaye (Le Chauffoir) et Élodie Bretaud ont dressé ensemble : «Les gens ne viennent pas essayer la marionnette. D’ailleurs, dans l’Indre, ce n’est pas un art qui est développé.» Comprenez : à la différence de Charleville-Mézières, capitale mondiale de la marionnette. Alors le duo a imaginé le projet « Mario en rue ! », «un projet collectif de création que nous présenterons à l’Atelier de la Poissonnerie (lire ici) le dimanche 4 octobre, dévoile Élodie. Francis lira quelques textes puis nous commencerons à créer les marionnettes en jouant avec le plâtre, le papier ou le tissu. Il faudra que les gens appréhendent ce qu’est la marionnette.» Plusieurs dimanches de suite, les volontaires se retrouveront à l’Atelier pour, au final, une présentation place de la République, sur le marché du samedi matin à Châteauroux…

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