Les quatre saisons de Syan
L’auteur-compositeur transforme un hameau du Boischaut sud en cité artistique
par Nicolas Tavarès
On accède plus facilement au hameau du Vieux Limanges qu’à la célébrité. Sylvain Guillot, alias Syan, ne démentira pas. Son destin aurait pu le mener vers une carrière étoilée. Il a préféré le coeur de l’Indre et «son paradis perdu». Contrairement à la chanson du regretté Christophe il n’y a ni nostalgie ni regret dans le propos. «Quand j’avais 20 ans, je voulais défendre mes chansons. Si j’avais eu une prod parisienne derrière moi, ma vie aurait sans doute été différente. Mais aujourd’hui, à 47 ans, la célébrité je m’en fous !» Ce qui le tient au plus haut point, c’est la transmission…
L’été n’en finit plus sur le Vieux Limanges, niché entre Neuvy-Saint-Sépulchre et Mouhers dans ce Boischaut sud où ses parents ont acquis une maison voilà 50 ans. Au milieu du hameau, installé à une petite table de jardin, l’artiste se raconte. Il avait six mois lorsqu’il est arrivé là, il a grandi dans la première maison. Autour de la demeure familiale, il y avait ces vieilles bâtisses qui ont traversé les époques, abritant longtemps les gens qui travaillaient au château voisin. «Il y a six ou sept ans, j’ai racheté une première maison.»
Un lieu de partage
Syan y a élu domicile avec une petite idée derrière la tête : reprendre les autres maisons pour en faire une sorte de cité artistique. Un lieu de partage, d’échanges autour de la musique et des beaux textes. Au gré de ses investissements, il a entrepris de rénover les bâtisses, l’une en salle de répétitions, l’autre en chambre d’hôte, obtenant même le label de la Fondation du Patrimoine pour la grange qui attend patiemment une nouvelle toiture. Ainsi s’est dessiné le havre de paix qu’il partage avec Marie. Ensemble, pendant le Covid, ils ont réalisé le clip « Comment dire » qui a fait le buzz sur les réseaux. Mais avant le Vieux Limanges, Sylvain a donc tenté sa chance plus haut : «J’ai commencé à composer à 17 ans. À un moment donné, tu pars pour faire carrière, mais quand tu es auteur-compositeur, ce n’est pas simple. Et l’industrie musicale est un monde difficile qui ne laisse pas de place à autre chose.»
En 2008, il participe aux Rencontres d’Astaffort, sur les terres d’un certain Francis Cabrel. «Cela a été déterminant de par les rencontres que j’y ai fait, raconte-t-il. Francis Cabrel m’a permis d’accéder à des premières parties : Clarika, Albin de la Simone ou Alain Chamfort.» Au festival Darc il a ouvert les soirées de Juliette ou Alan Stivell. Il sera aussi le parolier d’Aurélie Cabrel. Mais «parce que j’ai toujours aimé faire des choses dans des univers différents», il a privilégié la diversité. Depuis 15 ans, on le retrouve régulièrement derrière les Dandy Circus avec son compère Arnaud Beaulieu. «On joue des tubes revisités… avec goût, rappelle-t-il en esquissant un sourire. Avec Arnaud, ça tourne de plus en plus comique ce duo !» Syan multiplie aussi les ateliers d’écritures et de chanson au sein de la MLC Belle-Isle de Châteauroux, la MJCS de La Châtre ou la Meli d’Issoudun.
Des envies de résidences
Dans l’Allier, il a réalisé un disque avec les pensionnaires d’un hôpital psychiatrique. «J’arrive avec tout ce qu’il faut pour enregistrer. On met en forme les idées qu’ont les gens avec qui je travaille. Je ne suis surtout pas là pour dire ce qu’il faut faire, mais plutôt comme un facilitateur pour faire accoucher les idées.»Entre le CD « Surtout…rêvez ! » et le spectacle « La P’tite Bouffe » (Taïko Théâtre) en partie écrits sous ces toits, Syan imagine le Vieux Limanges comme un lieu culturel. «On pourra y faire des résidences» prévoit-il, citant en exemple le passage récent d’un batteur venu travailler sur une nouvelle méthode de batterie ou cet écrivain actuellement en villégiature pour un prochain roman. «On pourrait également héberger des musiciens en festivals aux alentours. En échange ils consacreraient deux heures de leur temps à des scolaires.» Transmission toujours.
L’association « Des Voix sous les Toits » a donc été créée pour donner un cadre au projet. «Actuellement, nous cherchons à développer des séjours artistiques, pédagogiques et touristiques. L’été dernier, des jeunes de la MJCS de La Châtre sont venus camper. Le matin on écrivait, l’après-midi, ils avaient leurs éco-activités.» À l’année, quatre stages sont également organisés, encadrés par des amis artistes qui s’attachent bien vite à la douceur de vivre du hameau. « Le printemps en chansons », « l’été lyrique », « l’automne swing » et « l’hiver sacré » rythment ainsi les saisons. «Dans ces stages limités à douze personnes, on amène des gens sur scène, certains n’ont aucune expérience. On en profite pour manger local, se balader dans la campagne. Il n’y a aucune obligation de résultat. On n’est pas à la Star Ac’ ! Au bout de deux jours, on fait une restitution publique avec les intervenants.» En août dernier, « Des Voix sous les Toits » a organisé un concert lyrique dans l’église de Mouhers. Une initiative fortement appréciée par Barbara Nicolas, le maire de la commune. Dans son paradis perdu, Syan a trouvé son bonheur. «Il ne me manque rien. À part la peur du temps qui passe, tout va bien.»
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