La culture au milieu du village

Trois témoins envisagent l’avenir pour que le spectacle continue

par Nicolas Tavarès

Comment se repenser en tant qu’artiste ou responsable d’un lieu d’échanges culturels ? Tentative de réponse au Café des Halles à Châteauroux, avec la Cie La Tarbasse à Neuvy- Saint-Sépulchre et à la Ferme-Théâtre de Bellevue à Villentrois.

Pour la culture sous toutes ses formes, la Covid-19 a été un cataclysme dont on a immédiatement mesuré l’ampleur : concerts, spectacles et festivals annulés ; agenda culturel réduit à néant en à peine deux mois. C’est la partie visible de l’iceberg, malheureusement. Car pour les passeurs d’idées, les saltimbanques et autres artistes créateurs, il faut maintenant reconstruire. Se repenser aussi.

Carré Barré a rencontré Mélodie Joinville, chorégraphe installée à Neuvy-Saint-Sépulchre, Florian Souedet, patron d’un café-brasserie à Châteauroux ou Jean-Christian Fraiscinet, propriétaire de la Ferme-Théâtre de Bellevue à Villentrois. À leur échelle, ils entrent dans « l’après » avec plus ou moins de visibilité. Horizon dégagé pour ce qui concerne Jean-Christian. Porté par la vague du succès des Bodin’s (il est le Christian du duo), il va devoir faire avec un emploi du temps bien rempli (lire par ailleurs) qui l’occupera entre Villentrois, la Thaïlande ou la tournée des Bodin’s quand celle-ci reprendra.

Il en va tout autrement pour Florian Souedet, le patron des Halles. Planté sur la place Monestier, son café est un lieu de vie culturel central, point de ralliement d’une clientèle éclectique qui vient régulièrement égayer ses fins de semaine en écoutant jouer des petits groupes locaux avant de passer à table côté brasserie. En août, les Halles sont aussi la base arrière de Darc avec le Before Darc dont Flo a repris les rênes en 2019.

«Mon inquiétude est plus par rapport à la date de réouverture des Halles et dans quelles conditions de service et d’hygiène cela va se faire. Mais je ne vais pas baisser les bras. Tout dépendra des mesures qui vont être prises, prévient le patron. Je ferai tout pour que l’on puisse adresser un petit clin d’oeil à Éric Bellet (l’organisateur de Darc, ndlr) en août prochain. Maintenant, vu les obligations concernant le regroupement des personnes (pas plus de 10 dans un premier temps), je suis obligé de mettre les concerts entre parenthèses.» L’urgence de Flo, c’est de sauver son activité et ses onze salariés à l’année (19 en période estivale). «Je sais aussi que les gens ont besoin d’animations, de concerts. Je suis abonné à la lettre du spectacle, je reste au contact, j’espère les reprendre le plus vite possible.»

De la frénésie à la sidération

À Neuvy-Saint-Sépulchre, Mélodie Joinville n’est pas dans le même état d’esprit. La chorégraphe (« Neuves », « 2/ Time ») et sa compagnie La Tarbasse sont passées de la frénésie créatrice à la sidération du confinement. «Pendant deux ans, j’ai porté « #Be », un spectacle global. On était dans la performance.» Le 29 février dernier, « #Be » était présenté sur la scène de la Carrosserie Mesnier à Saint- Amand-Montrond. Un spectacle monté autour de Gaëtan Jamart et Romual Kaboré, les danseurs, et de Morgan Fradet, à la musique. Dans l’ombre, il y a également Stéphane Fraudet et Frédéric Guillaume, qui se partagent la conception de la structure tubulaire – qui sert de terrain de jeu aux danseurs et au musicien -, les lumières et la régie. Un projet loin d’une traversée en solitaire, sauf que quinze jours après la « Carro », le confinement est arrivé. Mélodie : «On venait de sortir le spectacle, je prenais ça comme une consécration, raconte-t-elle, passionnée. Pendant le processus de création de cette chorégraphie, je suis tombée enceinte. Ça a un peu décalé le projet, mais j’ai continué à démarcher les partenaires, j’ai fait les répétitions avec le porte-bébé. On a ri, on a pleuré. Et puis on s’est rendu compte que « #Be » était un spectacle vivant fait aussi pour la rue.»

Une opportunité dans l’espoir de jours meilleurs. Une possible date cet été à Amboise est à l’étude et Mélodie envisage donc la suite : «Il faut que la culture se réinvente ? Je viens d’inventer « #Be » ! Je veux rebondir. On peut ressortir la structure et présenter la chorégraphie sur les places publiques, ou chez l’habitant et profiter de ces diffusions différentes pour faire venir autour les producteurs locaux afin de faire travailler le local dans toute sa dimension.» Tout ce qui pourrait permettre à sa chorégraphie d’exister et à la culture de ressurgir ici et ailleurs.

 

Bellevue…sur 2021

Jean-Christian Fraiscinet réfléchissait depuis plus d’un an à un nouveau spectacle à la ferme-théâtre de Bellevue, à Villentrois. « La Bête à Cornes » avait vécu 10 saisons et les représentations de juin 2020 devaient être les ultimes. Mais le confinement s’est imposé à tous, Bodin’s compris, qui ont dû renoncer à poursuivre le tournage de leur nouveau film en Thaïlande. «J’ai donc eu du temps pour finir d’écrire « La fine équipe » juste après mon retour de Thaïlande où on avait pu tourner cinq jours, raconte Jean-Christian. Ce nouveau spectacle nous tient à coeur parce qu’avec la tournée « Les Bodin’s Grandeur Nature », le projet avait pris du retard. Maintenant, les répétitions vont pouvoir commencer avant que l’on puisse repartir en tournage.» Présentée comme une sorte de « Grande Vadrouille » à la sauce berrichonne, « La fine équipe » se déroule en juillet 44 et conte les aventures de Maurice, un résistant de Villentrois, qui a pour mission de faire sauter un pont. Les représentations sont programmées pour juin 2021 et les réservations sont d’ores et déjà ouvertes.

 

 

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