La vie arrangée de Romain

Musicien de l’ombre, Romain Théret travaille avec Indochine ou sur Starmania

par Nicolas Tavarès

Depuis qu’il est né, quel que soit l’endroit où il se trouve, la musique accompagne toujours Romain Théret. Enfant, à la maison, il voit défiler les amis musiciens de son père, chanteur dans un orchestre. Plus tard, adolescent, il apprend la batterie, les percussions et carresse le clavier au sein de la section musique du lycée PMC à Châteauroux ou au conservatoire. Il en sort d’ailleurs primé en percus et jazz. Avec son diplôme d’études musicales en poche, l’avenir de Romain est tout tracé. Il lui faudra pourtant forcer le destin pour voir les planètes s’aligner. Aujourd’hui, sa carte de visite rappelle de prestigieuses collaborations, de l’ultime album de Johnny Hallyday (« Mon pays c’est l’amour ») au prochain Indochine en passant par le Starmania de Thomas Jolly.

«Je rêvais de cette carrière, mais ça me semblait inatteignable en partant de Châteauroux. J’ai simplement coché des cases sur mes envies d’enfant.» Il a coché et surtout osé. En montant d’abord à Paris pour rencontrer les professeurs prestigieux qui l’aideront à compléter son bagage. «J’étais naïf, j’avais 18 ans, je les contactais via MySpace ou Facebook.» La pêche est pourtant miraculeuse : le pianiste Vincent Bidal (Mylène Farmer, Florent Pagny) l’accueille et devient son mentor : «Après deux cours de piano, il m’a proposé de le remplacer dans des clubs. J’ai rencontré beaucoup de monde et comme c’est un métier de réseaux.» En Californie, le batteur Brian Frasier Moore (Justin Timberlake, Janet Jackson, Madonna) mord lui aussi à l’hameçon et donne des cours. «J’ai dû être convaincant. À partir de là, tout s’est accéléré.»

Orchestration pour Dany Boon et Guillaume Canet

En 2013, le directeur artistique Bertrand Lamblot le contacte pour assurer la partie clavier de la tournée des zéniths de Tal. On cherche un arrangeur/directeur musical pour remonter la comédie musicale « Les 10 commandements », Romain s’y colle. Si le succès est mitigé, son talent commence néanmoins à le précéder. Il s’invite dans le monde du cinéma pour l’orchestration de films de Dany Boon (« Raid Dingue » et « La Ch’tite famille ») ou Guillaume Canet (« Rock’n Roll ») qui lui met Yodélice, alias Maxim Nuci, sur sa route. Ce dernier produit ce qui va devenir l’album posthume de Johnny.

Il confie la direction de l’orchestre à Romain Théret sur les titres « Pardonne-moi » et « 4 m2″. En 2019, parenthèse swing pour le Castelroussin avec Caravan Palace qui l’embarque dans sa tournée américaine. Un mois et demi entre Mexique, États-Unis et Canada. Rentré en France, le COVID met le monde du spectacle à l’arrêt. Deux mois avant le confinement, Romain avait signé une commande de RFI «pour réarranger une collection de sept albums de classique.» Certaines pistes sont enregistrées discrètement à Châteauroux. Dans le même temps il est aux arrangements de l’album « Croire » de Natasha St-Pier. Intervient alors une nouvelle rencontre déterminante.

Le Central Tour d’Indochine

Un groupe pop rock le charge d’intégrer un quatuor à cordes dans un live sur une radio de la bande FM. Ce groupe, c’est Indochine. Le feeling est bon au point que l’an dernier, Nicola Sirkis confie à Romain Théret les arrangements de la musique de la Garde Républicaine dans le cadre du Central Tour, la tournée record des grands stades. Romain détaille ce qu’est être arrangeur pour Indochine : «Nicola Sirkis m’appelle et me dit, par exemple, qu’il veut mettre des cuivres sur « J’ai demandé à la lune ». Il me donne une trame et moi je présente ma version. C’est une grosse pression. Actuellement nous sommes en train d’élaborer le nouvel album d’Indochine. J’ai reçu quelques titres pour travailler dessus…»

Johnny Hallyday, Indochine. Restait la place pour un troisième gros morceau. Ce sera Starmania «comme musicien live à Paris. On a répété de mai à octobre en travaillant sur les bandes originales que le directeur artistique Rafaël Hamburger, le fils de Michel Berger, a pu ressortir. J’étais content parce que j’étais au clavier et chef d’orchestre. Je ne pensais pas que cette version marcherait à ce point !»

Ce que le musicien castelroussin sait, en revanche, c’est qu’il exerce «un métier sans certitude, un métier de l’ombre.Mais je ne cherche pas la lumière. C’est flatteur cette confiance des artistes.» Romain ne manque pas de projets. À la télévision, on lui doit les génériques ou les musiques additionnelles de « Affaire conclue », « Sur le front », « Les Maternelles » sur France TV ou « Comme des Gosses » sur M6. Quant à Châteauroux, il y revient régulièrement. Il s’est associé avec sa sœur Julie dans un magasin d’instruments, Jam Music Store. Association, aussi, avec Clément Thibault, vieux pote de l’époque de JazzMad, groupe funk formé avant son départ pour Paris, qui l’a suivi dans RC Backline, de la location de matériel. Ainsi va la musique pour Romain Théret.

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